<a href="http://www.imi-online.de/2009.php3?id=1938">http://www.imi-online.de/2009.php3?id=1938</a><br><br><br><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">Confronter l'alliance guerrière à des manifestations massives                                 </font></b></font>
                                 <br><br>
                                                                         <br>
Malgré toutes les prévisions quant à sa dissolution imminente, l'Otan a
développé ces dernières années une effrayante dynamique belliqueuse.
Stratégie de la première frappe nucléaire, escalade des opérations
contre-insurrectionnelles en Afghanistan, intensification de la
coopération avec l'Union européenne en passant par une transformation
institutionnelle: il y a plus de raisons que nécessaires pour
s'opposer, par des manifestations massives, au 60e anniversaire de
l'alliance guerrière qui sera célébré les 3 et 4 avril 2009 à Kehl et à
Strasbourg,<br>
<br>
<b>Stratégie de la première frappe nucléaire et bouclier de défense anti-missile</b><br>
<br>
Dans un document d'opinion rédigé par cinq éminents stratèges de l'Otan
et publié début 2008 («Vers une stratégie d'ensemble pour un monde
incertain»), la stratégie de la première frappe nucléaire est
ouvertement promue. «L'utilisation préventive de l'arme nucléaire doit
demeurer un moyen ultime pour empêcher l'utilisation d'armes de
destruction massive».<br>
<br>
De telles frappes préventives devraient aussi et particulièrement être
possibles contre des États qui ne sont pas eux-mêmes en possession de
l'arme nucléaire, tel l'Iran.<br>
<br>
De par la menace nucléaire, le bouclier ad hoc se doit d'être
développé. Il fut décidé lors du sommet de Bucarest, en avril 2007,
d'intensifier la préparation d'un bouclier de défense antimissiles
étendu. Ce bouclier serait créé en plus des installations américaines
prévues en Pologne et en République Tchèque. La décision s'appuie sur
une étude secrète de faisabilité que l'Otan a contractée auprès de
plusieurs entreprises d'armement. D'après les estimations de ces
entreprises, son coût total serait de 20 milliards d'euros. L'Institut
allemand pour les affaires internationales et les questions de sécurité
(SWP), qui conseille le gouvernement allemand, estime que ce projet
déstabilisant coûtera le double.<br>
<br>
<b>L'Afghanistan: champ expérimental pour les opérations civilo-militaires de contre insurrection</b><br>
<br>
L'opération militaire de l'Otan en Afghanistan a mis en mouvement une
cruelle escalade. Depuis que l'USAF et troupes de l'Otan agissent de
plus en plus offensivement, les échauffourées avec usage d'armes et les
morts parmi la population afghane croissent de manière tragique.<br>
<br>
Sous occupation militaire, ont été créées les structures d'une économie
libérale de marché qui a totalement échoué quant à réduire la pauvreté
manifeste en Afghanistan. Selon le Programme des Nations unies pour le
développement (PNUD), la situation humanitaire a empiré depuis que les
opérations de l'Otan ont débutées: 61% de la population souffre de
malnutrition chronique, 65% n'a pas l'accès à l'eau potable. Quant au
droit des femmes, les améliorations sont minimes d'après le PNUD.<br>
<br>
L'occupation de l'Afghanistan par l'Otan est le problème et non la
solution pour ce pays opprimé. De ce fait, un retrait immédiat
d'Afghanistan est plus que nécessaire. Au lieu de cela, l'Otan veut y
envoyer plus de troupes. Aussi le gouvernement allemand a décidé de
«poser des mesures plus vigoureuses au cœur » comme l'a annoncé le
ministre de la Défense en mars 2008.<br>
<br>
À travers la coopération civilo-militaire telle qu'elle est pratiquée
en Afghanistan, même l'aide au développement est intégrée à l'effort de
guerre de l'Otan. Caritas International a d'ailleurs critiqué l'Otan en
juin 2008, indiquant que «la distribution des fonds de l'aide ne se
fait pas en fonction des nécessités réelles mais est orientée selon les
besoin de la contre insurrection». Au sommet de l'Otan à Bucarest il
fut décidé - mais maintenu au secret - de mettre en place un «plan
d'action», qui fera généralement de la contre insurrection
civilo-militaire le centre d'intérêt des missions actuelles et futures
de l'Otan.<br>
<br>
<b>Frères d'âme: l'intensification de la coopération entre l'Otan et l'Union européenne</b><br>
<br>
Peu après sa prise de fonction, le président français Nicolas Sarkozy
fraîchement élu a entamé auprès de l'Otan une réelle offensive de
charme. Il a annoncé la complète réintégration de la France au sein des
institutions militaires de l'Otan dont elle fut absente pendant 40 ans.
Les deux organisations coopèrent déjà étroitement, dans le cadre de
l'accord «Berlin plus» par exemple, qui permet à l'Union européenne
d'accéder à des ressources de l'Otan pour ses opérations propres. Mais
la France qui préside le Conseil de l'Union européenne jusqu'à la fin
2008, va maintenant intensifier la coopération à tous les niveaux. Pour
cela, l'Institut allemand pour les affaires internationales et les
questions de sécurité (SWP) propose un renforcement des liens entre les
deux organisations par la création d'une «capacité de préparation et de
conduite d'opérations civilo-militaires au sein de l'Otan» qui serait à
même de «coordonner les capacités civiles et militaires de l'Union
européenne et les capacités militaires de l'Otan en un seul lieu ...
[S]ous l'égide d'un «Berlin plus inversé», l'Otan disposerait de la
possibilité de recourir aux capacités civiles de l'Union européenne».<br>
<br>
<b>Renouvellement des institutions</b><br>
<br>
À l'occasion de son 60e anniversaire en 2009, l'Otan veut signer ou au
moins mettre en mouvement un nouveau concept stratégique. Le document
d'opinion «Vers une stratégie d'ensemble pour un monde incertain», cité
auparavant, propose un large spectre de mesures, dont la fin de la
nécessité du mandat de l'ONU pour les futures guerres de l'Otan. Une
autre requête qui ressort est que l'Alliance devrait dans le futur
«abandonner le principe du consensus à tous les niveaux inférieurs au
Conseil de l'Otan, et introduire la règle du vote à la majorité simple
pour le comité et les groupes de travail». En outre, les auteurs
proposent que les pays qui ne souhaitent pas être engagés dans une
mission n'aient, dans le futur, aucun droit à participer aux décisions
quant à cette mission, seuls ceux prenant part au combat le pourraient
alors: «La contribution possible pour chaque nation en moyens comme en
forces a toujours été laissée à la discrétion de chaque nation. Mais
les nations ne contribuant pas en combattant ne devraient pas non plus
avoir de mots à dire quant à la conduite des opérations militaires.
Nous proposons de ce fait ... que seules les nations participant à une
mission - par exemple: engageant des forces armées dans une opération
militaire - puissent décider du processus de l'opération.» La part de
ces requêtes et d'autres de ce type, dans le Nouveau concept
stratégique est actuellement inconnue, mais celles-ci joueront un rôle
important dans les débats à venir.<br>
<br>
<b>60e anniversaire de l'Otan: appel à manifester à Strasbourg et Kehl</b><br>
<br>
L'Otan va - vraisemblablement - célébrer son 60e anniversaire les 3 et
4 avril 2009 à Kehl et à Strasbourg. C'est aussi une invitation pour
nous, mouvements pacifistes et antiguerre. L'Otan représente la mise en
œuvre par l'armée des intérêts occidentaux, et est de plus en plus une
alliance pour guerroyer. Nous devrions commencer une campagne pour
délégitimer l'Otan, cette organisation superflue qui devrait être
dissoute. Un point d'orgue de cette campagne pourrait être les actions
internationales s'opposant au sommet de l'Otan, à Kehl et à Strasbourg,
lequel marquera son 60e anniversaire. <br><br>
                                 Tobias Pflüger                        <br><br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">Géopolitique impériale: l’Ukraine, la Géorgie et la nouvelle Guerre froide entre l’OTAN et la Russie                                 </font></b></font>
                                 <br>
<br>
<br>
<br>
Celui qui désire comprendre la politique actuelle et future des
États-Unis, de l’UE et de l’OTAN ne peut faire l’impasse sur le livre
de Zgbiniew Brzezinski intitulé « Le grand échiquier ». Dans cet
ouvrage, l’ancien conseiller en charge de la Sécurité nationale
américaine livrait, voici plus de dix ans déjà, une description limpide
des impératifs de la géopolitique impériale. Il affirmait que les
États-Unis devaient maintenir à tout prix leur hégémonie sur la
planète, ce qui nécessitait l'expansion en Eurasie de l'OTAN, "tête de
pont" américaine, et la prise de contrôle des régions revêtant une
importance géostratégique, afin d’éviter tout rétablissement de la
puissance russe.<br>
<br>
Brzezinski pensait ce faisant plus particulièrement à deux pays et
régions : d’une part, « l’Ukraine, une pièce nouvelle et essentielle
sur l’échiquier eurasiatique, [qui] constitue une plaque tournante
géopolitique, dès lors que son existence même en tant qu’État
indépendant contribue à la transformation de la Russie. Privée de
l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire eurasien. […] Or, si la
Russie venait à rétablir sa domination sur l’Ukraine, forte de 52
millions d’habitants et de richesses naturelles considérables, et à
recouvrer l’accès à la mer Noire, elle aurait automatiquement les
moyens de devenir un empire puissant, qui dominerait l’Europe et
l’Asie. »[1] D’autre part, ajoute Brzezinski, il est tout à fait
indispensable de contrôler la région du Sud-Caucase (Arménie,
Azerbaïdjan et Géorgie), sur le flanc sud de la Russie. Avec une clarté
impressionnante, le vieux maître de la géopolitique américaine décrit
ensuite l’objectif et la finalité de la politique que doit déployer
l’OTAN : « Les États-Unis et les pays de l’OTAN s’attellent pour
l’heure – en veillant certes autant que possible à ne pas heurter la
fierté de la Russie, mais d’une manière néanmoins résolue et constante
– à saper les fondements géopolitiques qui pourraient permettre à la
Russie, ne serait-ce qu’en théorie, de nourrir l’espoir de se poser en
numéro deux sur la scène politique mondiale. »[2]<br>
<br>
Dans les années qui ont suivi, ce scénario a été méthodiquement traduit
dans la pratique et l’OTAN s’est peu à peu étendu, au gré de ses
élargissements, jusqu’au voisinage immédiat de Moscou. Par ailleurs, le
soutien résolu des Occidentaux aux révolutions « de couleur » en
Géorgie (2003) et en Ukraine (2004) a permis de remplacer des
gouvernements et présidents jusqu’alors pro-russes ou à tout le moins
neutres par de nouveaux dirigeants, pro-occidentaux.[3] Aux yeux de
Moscou, l’OTAN a franchi la « ligne rouge » en s’engageant dans une
telle politique. Comme l’a montré la guerre entre la Russie et la
Géorgie à l’été 2008, la Russie n’est plus disposée à assister sans
réagir à de nouvelles tentatives d’expansion. Pourtant, l’alliance
militaire occidentale poursuit imperturbablement sur la voie de
l’escalade et évoque l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie,
afin de pérenniser les « succès » obtenus. Le nouveau président
américain, Barak Obama, plaide lui aussi pour l’adhésion de ces deux
pays.[4] Et le fait que Michael McFaul, partisan de la ligne dure
vis-à-vis de Moscou, soit appelé à assurer la responsabilité de toutes
les questions liées à la Russie au sein du Conseil national de
sécurité, ne permet guère d’espérer que, sous le nouveau président,
Washington prenne quelque distance avec sa politique agressive et
anti-russe. Cette attitude revient toutefois à accepter sans autre
forme de procès que la nouvelle Guerre froide entre l’OTAN et la
Russie, que tant d’observateurs se plaisent à annoncer, ne se
transforme en self-fullfilling prophecy.<br>
<br>
<br>
<b>L’Ukraine : « en chevauchant la monture d’un autre »</b><br>
<br>
Manifestement, les recettes géopolitiques venimeuses concoctées par
Brzezinski dictent aujourd’hui encore l’attitude adoptée à l’égard de
l’Ukraine. Dans ce dossier, les questions d’adhésion à l’OTAN et
d’approvisionnement énergétique de l’Europe sont intimement liées.
S’exprimant dans le quotidien Handelsblatt, Peter Zeihan, membre de la
cellule de réflexion Strategic Forecast (souvent qualifiée d’ombre de
la CIA), résumait comme suit l’imbroglio géopolitique : « d’une part,
la ‘révolution orange’ de 2004 a porté au pouvoir un gouvernement
ukrainien opposé aux objectifs de la Russie. Le président Viktor
Iouchtchenko voudrait que son pays intègre l’Union européenne et
l’OTAN, ce que la Russie assimilerait à un ‘baiser de la mort’.
L’Ukraine héberge en effet la majeure partie des infrastructures qui
relient la Russie à l’Europe – des oléoducs aux voies ferrées en
passant par les lignes à haute tension. L’industrie et l’agriculture
des deux pays témoignent d’une profonde interpénétration ; la partie
orientale de l’Ukraine compte la population russe la plus nombreuse au
monde en dehors de la Russie ; la flotte russe de la mer Noire est
ancrée à Sébastopol, car il n’existe aucune alternative raisonnable.
L’Ukraine s’enfonce si profondément dans la partie méridionale de la
Russie qu’une puissance étrangère présente sur son territoire pourrait
même menacer Moscou. Par ailleurs, le pays est à ce point étendu vers
l’est qu’un gouvernement hostile pourrait aller jusqu’à mettre en péril
les liaisons avec le Caucase. Bref, si l’Ukraine devait échapper à
l’influence de la Russie, celle-ci ne pourrait plus opter que pour une
stratégie défensive. Par contre, si la Russie reprenait le contrôle sur
Kiev, elle pourrait s’élever au rang de puissance régionale, voire
mondiale. »[5] Soucieux de ne pas en arriver là, les responsables
américains ont déployé une activité frénétique, peu de temps encore
avant la fin du mandat du président George W. Bush, pour rapprocher
l’Ukraine de l’adhésion à l’OTAN. Condoleezza Rice, encore à l’époque
ministre américaine des affaires étrangères, avait peut-être à l’esprit
les fameuses paroles de Luther – « Il est aisé de se ruer dans les
flammes en chevauchant la monture d’un autre » - lorsque elle et le
ministre ukrainien des affaires étrangères, Volodymyr Phryzko ont
signé, le 19 décembre 2008, l’accord de partenariat pour la sécurité
entre leurs deux pays. À cette occasion, Mme Rice a fait la déclaration
suivante : « Les États-Unis soutiennent l’intégration de l’Ukraine dans
les structures euro-atlantiques et je veux une fois encore souligner, à
cet égard, que la déclaration de Bucarest, qui prévoit l’adhésion de
l’Ukraine à l’OTAN une fois que ce pays satisfera aux normes
concernées, demeure sans la moindre réserve au cœur de notre politique.
» Son homologue ukrainien a pour sa part insisté sur le renforcement de
la présence américaine en Ukraine, notamment concrétisée par la
présence d’une mission diplomatique sur la presqu’île de Crimée, en mer
Noire.[6]<br>
<br>
La signature de ce partenariat implique non seulement le rapprochement
de l’Ukraine avec l’OTAN, mais aussi une collaboration étroite sur les
questions énergétiques, qui passe par le biais d’une coopération
intensive dans le domaine de la sécurité. L’accord prévoit notamment
que « les deux parties, conscientes de l’importance que revêt le bon
fonctionnement du secteur de l’énergie, envisagent de collaborer à la
réfection et à la modernisation des infrastructures ukrainiennes
d’acheminement de gaz. »[7] En effet, cet accord de partenariat a
également été conclu sur fond de « guerre du gaz » entre l’Ukraine et
la Russie. Le 1er janvier 2009, l’Ukraine n’ayant pas réglé ses dettes
et aucun nouveau contrat de livraison de gaz n’ayant été signé, la
partie russe a décidé de fermer les robinets. Quelques jours plus tard,
le litige produisait déjà ses effets sur l’approvisionnement
énergétique de l’Europe toute entière : le 6 janvier, la Turquie, la
Bulgarie, la Grèce et la Macédoine signalaient l’interruption des
livraisons via les gazoducs ukrainiens. En Autriche,
l’approvisionnement accusait une chute de 90 %. Certains éléments
semblent indiquer que l’attitude de l’Ukraine ne peut s’expliquer que
par le soutien des États-Unis. C’est aussi ce que pensait la partie
russe : « le groupe gazier russe Gazprom tient les États-Unis pour
responsables du conflit gazier avec l’Ukraine. Ce mardi, l’entreprise a
déclaré que le cap suivi par l’Ukraine était défini par
l’administration américaine. Malgré la présence d’observateurs de l’UE,
l’Ukraine continuerait de détourner du gaz qui transite par son
territoire, ce qui expliquerait que la Russie ne peut approvisionner
les États de l’UE. Alexander Medvedev, vice-président du géant
énergétique russe, a accusé les États-Unis d’attiser le conflit. »[8]<br>
<br>
Dans le cas géorgien comme dans celui de l’Ukraine, le conflit gazier
et la volonté d’adhésion à l’OTAN sont intimement liés. Dans une
analyse produite en avril 2008, la fondation Bertelsmann constatait que
ces deux pays étaient déjà fortement intégrés dans les processus de
travail de l’OTAN. « Les deux pays font partie du programme de
partenariat pour la paix, destiné à favoriser la coopération bilatérale
entre États membres de l’OTAN et pays tiers, depuis la création de ce
programme par l’Alliance nord-atlantique, en 1994. La coopération a été
étendue par la suite. […] Les deux pays jugent que leurs accords de
coopération bilatérale avec l’OTAN permettent d’opérer un rapprochement
avec l’Alliance par la voie de réformes profondes à l’intérieur du
pays. Si les réformes en question portent au premier chef sur la
consolidation des structures démocratiques à l’échelon national, elles
ont aussi pour axe prioritaire la lutte contre le terrorisme
international et le soutien aux opérations et missions de l’Alliance
nord-atlantique. Ce dernier point était d’ailleurs un argument avancé
par le président américain George W. Bush pour insister sur la
nécessaire intégration de l’Ukraine et de la Géorgie dans le ‘plan
d’action pour l’adhésion’. L’état d’avancement de l’intégration dans
les structures de défense de l’OTAN relativise quelque peu la question
– soulevée lors du sommet de Bucarest – de l’attitude qu’allaient
adopter l’Ukraine et la Géorgie après s’être vu provisoirement refuser
l’accès au plan d’action pour l’adhésion. La voie empruntée les
conduira inévitablement à intégrer l’OTAN. »[9]<br>
<br>
L’Allemagne joue un double rôle dans ce dossier. Bien qu’ayant refusé,
d’accord avec la France, de lancer pour l’Ukraine la procédure
d’adhésion accélérée que souhaitaient les États-Unis, elle n’en
participe pas moins à attiser une question déjà brûlante et ne s’est
pas opposée au principe d’une adhésion de ce pays à l’OTAN. Le
ministère des affaires étrangères lui-même décrit parfaitement ce
double rôle : « Lors du sommet de l’OTAN organisé à Bucarest en avril
2008, les membres ont convenu du principe d’ouvrir à l’Ukraine la
perspective d’adhésion à l’Organisation (‘Nous avons convenu
aujourd’hui que ces pays [à savoir, l’Ukraine et la Géorgie]
deviendraient membres de l’OTAN’). L’Ukraine ne s’est toutefois pas vu
proposer un plan d’action pour l’adhésion (MAP), mais plutôt l’entame
d’un processus d’examen détaillé. »[10] Pour Moscou, cette perspective
d’adhésion concédée pour la première fois et, peu de temps après,
l’agression géorgienne en Abkhazie et en Ossétie du Sud ont été les
deux gouttes qui ont fait déborder le vase.<br>
<br>
<br>
<b>La Géorgie : une pièce maîtresse géopolitique</b><br>
<br>
Il suffit de se pencher sur une carte géographique pour prendre toute
la mesure de l’importance du Sud-Caucase. La Géorgie est la seule route
possible pour acheminer vers l’Europe le gaz et le pétrole dont regorge
le sous-sol de l’Asie centrale et d’assurer par voie terrestre le
transport de marchandises et de biens depuis la Chine et le Kazakhstan.
Le projet d’oléoduc ‘Nabucco’ a pour objectif de diminuer la
‘dépendance’ de l’Europe vis-à-vis des exportations de gaz russe, qui
représentent actuellement 40 % de l’approvisionnement et tendent à
augmenter fortement. D’après le service de presse européen euractiv,
les États-Unis s’efforcent « depuis longtemps déjà de mettre en place
dans la région de la Caspienne des oléoducs et des gazoducs qui
contournent la Russie et passent principalement par le territoire
géorgien. »[11]Ce projet revêt la plus grande priorité pour l’Union
européenne également, comme le confirment les déclarations faites en
2006 déjà par Martin Bartenstein, ministre autrichien de l’économie,
lors de la présidence autrichienne du Conseil de l’UE : « [le] pipeline
Nabucco est le principal projet énergétique européen. »[12]<br>
<br>
Dès lors, la Géorgie constitue, tant pour l’UE que pour les États
membres de l’OTAN, la zone géographique essentielle pour priver la
Russie de ses voies d’exportation. En lançant les trois projets de
gazoduc baptisés Nord-Stream (gazoduc de la mer Baltique), South-Stream
(gazoduc russo-italien qui traverserait la mer Noire en passant par
Varna, en Bulgarie) et Blue Stream (tracé reliant la Russie à la
Turquie à travers la mer Noire), la Russie tente de contrecarrer les
visées occidentales et de s’assurer des voies d’exportation d’énergie
directes vers l’Europe occidentale et méridionale, hors du contrôle
d’anciens pays du Bloc de l’Est, extrêmement bien disposés à l’égard
des États-Unis. Cela explique pourquoi les États-Unis, soucieux de
contenir l’influence politique de la Russie en Europe et d’éviter que
ce pays ne se hisse au rang de puissance industrielle, ont misé sur la
carte géorgienne.<br>
<br>
<br>
<b>Le soutien militaire occidental</b><br>
<br>
L’Allemagne a apporté – et apporte encore – une contribution non
négligeable à l’armement de la Géorgie. La Bundeswehr assure via son
programme LGAI (stage de formation du service d’État-major ouvert à une
participation internationale) la formation d’officiers, géorgiens pour
la plupart, et on a assisté, ces dernières années, à un véritable
défilé de délégations militaires géorgiennes de haut rang auprès de la
Bundeswehr. S’y ajoutent la livraison par la firme Heckler und Koch de
fusils d’assaut G 36 à la Géorgie. Et pourtant, ce sont les États-Unis
qui se taillent la part du lion. L’armée américaine a assuré la
formation de soldats géorgiens, « afin d’amener les forces armées de la
Géorgie, fidèle allié de Washington et poste avancé dans le Caucase, au
niveau des troupes de l’OTAN. »[13] D’après les informations de
l’hebdomadaire Der Spiegel, les États-Unis ont accordé à la Géorgie,
pour la seule année 2006, une aide de 80 millions de dollars, dont 13
millions consacrés au paiement de « fournitures et de services
militaires » et à la formation des troupes. Par ailleurs, les
États-Unis sont venus en aide à la Géorgie en assurant une
modernisation régulière de sa flotte et en fournissant gratuitement au
pays des hélicoptères.[14] Pour traduire l’ampleur considérable de
l’aide militaire américaine « apportée par le Pentagone afin de mettre
à niveau les forces armées géorgiennes, de la base jusqu’au sommet »,
le New York Times formulait les choses comme suit : « au niveau du
commandement militaire, les États-Unis ont contribué à redéfinir les
buts poursuivis par l’armée géorgienne et à assurer la formation des
officiers et de l’État-major. Au niveau des unités de combat, les
Marines et autres unités de l’armée de terre américaine ont initié les
soldats géorgiens aux principales techniques de combat. »[15]<br>
<br>
Au total, l’armée géorgienne disposait ce faisant de cinq brigades
d’infanterie de 2 000 hommes chacune, auxquelles s’ajoutent diverses
unités de réserve considérablement moins bien formées. Officiellement,
le gouvernement géorgien affirme disposer de 37 000 soldats d’active et
de 100 000 réservistes. Depuis l’arrivée au pouvoir de Michail
Saakashvili, les dépenses militaires du pays ont grimpé en flèche : «
Alors qu’en 2003, elles se montaient encore à 52 millions de laris
(soit 24 millions de dollars américains), elles atteignaient le triple
en 2006, soit 139 millions de laris (ou 78 millions de dollars
américains). Les dépenses réelles sont cependant bien plus élevées.
C’est ainsi que tout appelé potentiel peut se soustraire au service
militaire obligatoire en versant une somme d’argent – dont les quatre
cinquièmes aboutissent directement dans les caisses du ministère. »[16]<br>
<br>
La Géorgie entretient également une coopération intense avec l’OTAN. En
juillet 2008 encore, des manœuvres communes, organisées dans le cadre
du programme de partenariat pour la paix, ont réuni quelque 1 630
militaires, dont un millier d’Américains et 600 Géorgiens.[17] Par
ailleurs, l’armée géorgienne a pris part ou prend encore une part
appréciable dans les interventions armées menées en violation du droit
international en Iraq, en Afghanistan et au Kosovo. Dans le premier
cas, le contingent géorgien était même en 2008, avec ses 2 000 hommes,
le troisième par la taille au sein de la « coalition des volontaires ».
En août 2008 toutefois, après que l’armée géorgienne eut été balayée en
Ossétie du Sud et tandis que les combats faisaient encore rage,
l’aviation militaire américaine a ramené les unités militaires
géorgiennes stationnées en Iraq pour qu’elles puissent prendre part aux
combats sur le front intérieur. Compte tenu de cette campagne de
soutien massif déployée par les États-Unis et leurs alliés, il est
difficile de croire que les responsables américains, même s’ils n’ont
pas donné leur feu vert, n’étaient pas au courant de l’attaque prévue
et ont promis de garder le silence.<br>
<br>
Du côté russe en tout cas, on est convaincu que l’attaque a été menée
avec le soutien de Washington. L’ambassadeur de Russie auprès de
l’OTAN, Dimitri Rogozine, a ainsi déclaré que Saakashvili avait convenu
de cette agression avec ses « protecteurs » - on voit très clairement
de qui il voulait parler.[18] Quant à Vladimir Vasilyev, président de
la commission de la sécurité de la Douma, il a résumé le point de vue
russe en ces termes : « Plus cette affaire durera, plus il apparaîtra
clairement au monde que la Géorgie n’aurait jamais été en mesure de
faire ça [d’attaquer l’Ossétie du Sud] sans les États-Unis ».[19]Le
Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a lui aussi exposé très
clairement l’attitude des États-Unis à l’occasion d’une interview
accordée à la chaîne de télévision ARD : « On ne peut s’empêcher de
penser que les dirigeants américains avaient connaissance de l’action
envisagée – et plus encore, y ont pris part […] dans le seul but
d’organiser une petite guerre victorieuse. Et, au cas où les choses
tourneraient mal, de pousser la Russie dans le rôle de l’ennemi. »[20]<br>
<br>
<br>
<b>La réaction de la Russie</b><br>
<br>
Il est effectivement difficile de croire que l’attaque géorgienne ait
été menée sans l’aval des États-Unis. Et pourtant, l’administration
américaine devait bien avoir conscience que l’armée géorgienne allait
être balayée, comme cela s’est d’ailleurs passé. Ce qui soulève la
question de la motivation de Washington : les dirigeants américains
ont-ils tout simplement commis l’erreur de croire que la Russie
accepterait sans rien dire l’attaque géorgienne ? Quoique difficilement
concevable, cette hypothèse est toutefois possible. L’autre explication
consiste à penser que l’objectif premier était de provoquer un conflit
avec la Russie, afin d’amener l’Union européenne à adopter une position
plus anti-russe encore, et qu’à cet égard, Saakashvili s’est révélé
être l’idiot utile qu’il convenait d’utiliser, au détriment des
populations de la région. S’il est impossible de trancher cette
question avec certitude, la deuxième option semble cependant plus
plausible.<br>
<br>
Quoi qu’il en soit, ce calcul s’est révélé erroné lui aussi, car la
Russie a profité de la possibilité offerte par l’agression géorgienne
pour améliorer sa position dans le Caucase. Il est en effet tout aussi
difficilement concevable d’imaginer que Moscou n’ait pas été informé
des plans d’invasion géorgiens, d’autant que la Russie y était
manifestement bien préparée. Dès juillet, 8 000 soldats russes
s’entraînaient à repousser une attaque géorgienne. Un fait qui pourrait
également expliquer pourquoi les troupes géorgiennes ont été arrêtées
en moins de 24 heures et justifier la mainmise relative rapide des
troupes russes sur le terrain. Pour autant, prétendre que le président
géorgien Saakashvili, en lançant cette offensive, s’est jeté tête
baissée dans le piège que lui tendaient les Russes, n’est guère
convaincant. Le fait que les Russes se soient révélés bien préparés
n’enlève rien au fait que la Géorgie a mené une guerre d’agression.<br>
<br>
En tout état de cause, cette confrontation a permis à la Russie
d’ébranler la confiance de certains dans la capacité de la Géorgie
d’offrir à l’avenir une solution de transit fiable pour les ressources
énergétiques de la mer Caspienne. Le président géorgien lui-même a
déclaré que « l’un des motifs essentiels de l’offensive russe était que
la Géorgie disposait déjà d’un oléoduc – l’oléoduc
Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), enfoui sous un mètre de terre sur toute sa
longueur et conçu pour contourner la Russie. »[21] Ce soupçon n’est pas
sans fondement. Car l’entrée en fonction, en mai 2006, de l’oléoduc
BTC, objet de controverses entre Washington et Moscou pendant près de
dix ans, avaient été un des grands succès géopolitiques obtenus par les
États-Unis dans leur projet de réduire l’influence de la Russie dans la
région : « Selon M. Lomaia, conseiller géorgien en charge de la
sécurité, les Russes auraient lâché six bombes sur l’oléoduc, sans
pourtant l’atteindre. Si ces informations sont exactes, elles montrent
que l’opération militaire russe a d’autres objectifs, d’une portée plus
stratégique, qui dépassent la seule volonté d’éviter une crise
humanitaire en Ossétie du Sud. »[22]<br>
<br>
Un rude coup a également été porté au projet Nabucco. Selon Ed Chow, du
Center for Strategic and International Studies, « la Russie a semé de
sérieux doutes dans la tête des bailleurs de fonds et investisseurs […]
quant à la possibilité de protéger un tel ouvrage des attaques menées
sur le territoire géorgien ou de le prémunir du contrôle de Moscou.
»[23] En dépit de cela, le commissaire européen à l’énergie, Andris
Piebalgs, a tenté de convaincre que le conflit de Caucase ne modifiait
en rien la volonté de l’UE de mener à bien son projet de construction
de l’oléoduc Nabucco à travers le territoire géorgien, ajoutant que
l’Europe avait besoin de cette infrastructure.[24]<br>
<br>
Pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide (de
l’ancienne), la Russie s’est opposée militairement à une tentative
d’expansion occidentale – ce seul point de vue permet de prendre la
mesure du conflit russo-géorgien. Dans le même temps, l’intervention
sur le territoire géorgien a montré clairement à l’Occident qu’à
l’avenir, il faudrait à nouveau compter avec la Russie sur l’échiquier
international du pouvoir. On peut lire à ce propos dans une analyse de
Strategic Forecast que, « par son opération en Ossétie du Sud, la
Russie a démontré trois choses. 1. En dépit des doutes nourris
auparavant par les observateurs étrangers, son armée peut mener à bien
une opération militaire. 2. Les Russes peuvent vaincre des forces
armées formées par les instructeurs militaires américains. 3. La Russie
a démontré que les États-Unis et l’OTAN n’étaient pas en position
d’intervenir militairement dans ce conflit. »[25]<br>
<br>
<br>
<b>Un unilatéralisme frappant</b><br>
<br>
On ne sera guère surpris que la réponse russe à l’invasion géorgienne
ait été fermement condamnée par les Américains et que ces derniers se
soient rangés quasi sans réserves du côté de la Géorgie. C’est ainsi
que Zgbiniew Brzezinski s’est exprimé haut et fort pour comparer les
méthodes de Poutine à celles de Hitler et affirmer que l’attitude de
Moscou ne pouvait que « conduire à sa mise à l’écart et à des sanctions
économiques et financières, [soulignant que] si la Russie poursuivait
dans cette voie, elle devrait en fin de compte être mise au ban de la
communauté internationale. »[26]<br>
<br>
Il est plus surprenant de noter que l’Union européenne a elle aussi
adopté un positionnement tout aussi unilatéral : « Le Conseil européen
est gravement préoccupé par le conflit ouvert qui a éclaté en Géorgie,
par les violences qu'il a entraînées et par la réaction
disproportionnée de la Russie. » C’est par ces mots que les chefs
d’État ou de gouvernement ont commenté, le 1er septembre, les
événements survenus dans le Caucase, sans évoquer – et encore moins
critiquer – le fait que le conflit avait incontestablement été
déclenché par l’agression géorgienne. Dans la suite de leurs
conclusions, les dirigeants européens clouent la seule Russie au pilori
et condamnent « fermement la décision unilatérale de la Russie de
reconnaître l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. » Aux
antipodes de la ligne adoptée par la grande majorité des États membres
de l’UE sur la question de la reconnaissance du Kosovo, ils rappellent
ensuite « qu’une solution pacifique et durable des conflits en Géorgie
doit être fondée sur le plein respect des principes d’indépendance, de
souveraineté et d’intégrité territoriale reconnus par le droit
international, l'Acte final de la Conférence d'Helsinki sur la sécurité
et la coopération en Europe et les résolutions du Conseil de sécurité
des Nations Unies. »[27]<br>
<br>
Ça et là, certains ont même réclamé à cors et à cris d’adopter une
attitude plus radicale encore à l’égard de la Russie. C’est le cas par
exemple du président de la commission des affaires étrangères du
Parlement européen, Jacek Saryusz-Wolski (PPE-DE), qui a demandé que
l’UE adopte une position « plus ferme que celle de l’OTAN ».[28] Et si
les partisans de la ligne dure n’ont pu entièrement imposer leur vues,
cela vient aussi d’une constellation intérêts spécifiques, qui
rendaient inopportune – notamment du point de vue allemand – une telle
position. Car, si l’on veut certes montrer à Moscou qui est le chef
dans la maison européenne, on ne souhaite pas pour autant se brouiller
tout à fait avec la Russie – les affaires qu’on fait dans ce pays sont
trop rentables.[29] Néanmoins, l’Allemagne souscrit elle aussi sans
guère de réserves à l’escalade recherchée par l’OTAN.<br>
<br>
<br>
<b>Mise en place de l’OTAN (de l’énergie) </b><br>
<br>
Dès novembre 2006, le sénateur américain Richard Lugar, l’un des
principaux stratèges de l’OTAN, est passé littéralement à l’offensive.
En marge du sommet de l’OTAN de Riga, il a dénoncé les tentatives de
Moscou de se servir du pétrole comme d’une « arme » contre l’Occident
et proposé la création d’une « OTAN de l’énergie », dont l’idée
maîtresse serait d’amener à l’avenir l’Organisation à traiter une
interruption dans la fourniture de gaz et de pétrole comme une
agression militaire (cf. la contribution de Tobias Pflüger).<br>
<br>
En janvier 2008, cinq généraux haut placés de l’OTAN ont présenté une
note d’orientation explicitement présentée comme un catalogue de
revendications destiné à alimenter le débat en vue de la prochaine mise
à jour du concept stratégique de l’OTAN . Cette note pourrait par
ailleurs servir de brouillon pour le sommet de l’OTAN programmé les 3
et 4 avril 2009 : « Dans un contexte de concurrence internationale
croissante pour des ressources toujours plus rares, à tout le moins
pour les combustibles fossiles, les fournisseurs verront s’accroître
les possibilités d’abuser de leur position et de leur pouvoir
d’influence. […] La dépendance vis-à-vis du gaz et du pétrole crée une
vulnérabilité que certains gouvernements tenteront d’exploiter – la
crise Gazprom a démontré combien il était aisé de manipuler la demande.
L’organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) est un mécanisme
– et il le restera probablement – destiné à maintenir les prix
pétroliers à un niveau artificiellement élevé et la Russie et les
Émirats arabes unis examinent la possibilité de créer un OPEP pour le
gaz. […] Pour cette raison, il pourrait être indiqué de réfléchir à la
possibilité d’user de l’OTAN comme d’un instrument apte à assurer la
sécurité d’approvisionnement énergétique. »[30]<br>
<br>
Peu de temps après, en juin 2008, Richard Lugar, entre-temps pressenti
pour devenir le ministre de la défense de Barak Obama, a renouvelé lors
d’une audition du Sénat ses menaces à l’encontre de la Russie et a
plaidé vigoureusement pour la réalisation du projet Nabucco.[31] Durant
la même audition, le nouveau vice-président américain, Joseph Biden, a
salué avec insistance l’action de Lugar en matière de politique de
l’énergie et souligné l’importance des conflits dans la région de la
Caspienne : « les enjeux sont énormes : des centaines de milliards de
dollars en pétrole et en infrastructures, le redressement de la
puissance russe et la sécurité énergétique de l’Europe. […] Les Russes
aiment les échecs. Notre réponse stratégique sur l’échiquier qu’est
l’Asie centrale doit être d’établir une présence sur les cases qu’ils
ne contrôlent pas encore. Cela implique de construire de nouveaux
pipelines, qui offrent des alternatives […] au monopole russe. »[32]<br>
<br>
Joseph Biden devrait dès lors avoir accueilli positivement une des
dernières grandes initiatives de sécurité de l’administration Bush,
censée attirer davantage encore la Géorgie dans l’orbite occidentale
par le biais d’une déclaration commune de partenariat : « Grâce au
pacte signé par les deux gouvernements le 9 janvier [2009], les
États-Unis et la Géorgie sont officiellement devenus des ‘partenaires
stratégiques’. […] Peu de détails ont été communiqués à propos de ce
document signé quatre mois après la guerre désastreuse entre la Géorgie
et la Russie. Les signataires ont cependant expliqué à l’envi que le
pacte géorgien était comparable à l’accord de partenariat stratégique
signé en décembre par les États-Unis et l’Ukraine. »[33] Il devrait
donc prévoir, au même titre que ce dernier, une coopération militaire
renforcée et des mesures visant à une adhésion rapide de la Géorgie à
l’OTAN. Dès le 15 septembre 2008, l’OTAN a décidé de mettre en place
une commission chargée d’approfondir les relations avec la Géorgie et
qui devrait permettre de coordonner la « reconstruction militaire » du
pays.[34]<br>
<br>
<br>
<b>La Guerre froide : une prophétie appelée à se concrétiser d’elle-même</b><br>
<br>
L’objectif de la politique prônée par les États-Unis en Ukraine et en
Géorgie est d’engager une nouvelle Guerre froide contre la Russie et de
la soumettre à une provocation permanente faite de « révolutions de
couleur », de blocus énergétiques, d’élargissement de l’OTAN et de
stationnement de missiles sur le territoire de la Pologne et de la
République tchèque. En perturbant les relations économiques russes avec
l’Europe occidentale, Washington entend réduire l’influence de la
Russie sur la scène politique mondiale et entraver son avènement au
rang de nouvelle puissance industrielle. Si ce scénario devait se voir
couronné de succès, il ne fait aucun doute que les pays d’Europe
occidentale membres de l’Alliance se verraient entraînés dans une
stratégie commune d’escalade et contraints de s’engager davantage
encore dans des projets militaires de sécurité énergétique.<br>
<br>
Le fait que cette stratégie a jusqu’ici été couronnée de succès et que
rien ne permet hélas de supposer que le nouveau président américain,
Barak Obama, entende s’écarter de cette logique de confrontation laisse
craindre le retour de l’affrontement entre deux blocs. Au plus fort de
la crise géorgienne, le président russe, Dmitri Medvedev, a adressé un
message clair à l’Occident : « Nous n’avons peur d’absolument rien, pas
même de la perspective d’une nouvelle Guerre froide. »[35] Le mouvement
anti-guerre devra s’accommoder des réalités de la nouvelle Guerre
froide. Il faut s’opposer avec calme, ici et maintenant, à la stratégie
impérialiste de l’OTAN et de l’UE.<br>
<br>
<br>
<br>
<br>
[1] Brzezinski, Zgbiniew : Le Grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde, Hachette (Paris), 1997.<br>
<br>
[2] Ibid.<br>
<br>
[3] Concernant le soutien occidental aux « révolutions de couleur »,
cf. Chauvier, Jean-Marc : Les multiples pièces de l’échiquier
ukrainien, Le Monde diplomatique, 14.01.2005.<br>
<br>
[4] Carpenter, Ted : Worse than Bush ? National Interest Online, 11.07.2008.<br>
<br>
[5] Zeihan, Peter : Moskau wird Kiew nie dem Westen überlassen [Moscou
n’abandonnera jamais Kiev à l’Occident], Handelsblatt, 20.01.2009.<br>
<br>
[6] United States, Ukraine Sign Security Charter, America.gov, 19.12.2008.<br>
<br>
[7] United States-Ukraine Charter on Strategic Partnership, 22.12.2008, URL : <a href="http://tinyurl.com/agqc4k">http://tinyurl.com/agqc4k</a> <br>
<br>
[8] Befeuern die USA den Gasstreit ? [Les États-Unis attisent-ils la guerre du gaz ?], <a href="http://heute.de">heute.de</a>, 13.01.2009.<br>
<br>
[9] Isic, Mirela : Ein « Vielleicht für die Ukraine und Georgien [Un «
peut-être » pour l’Ukraine et la Géorgie], CAP-News, 10.04.2008.<br>
<br>
[10] Ministère des affaires étrangères, Ukraine, situation en octobre 2008, URL : <a href="http://tinyurl.com/b3gvbg">http://tinyurl.com/b3gvbg</a> <br>
<br>
[11] Nabucco : Projekt unrealistisch durch Georgien-Krise ? [La crise
géorgienne rend-elle irréaliste le projet Nabucco ?], euractiv,
25.08.2008.<br>
<br>
[12] Ibid.<br>
<br>
[13]Friedmann, Matti : Sie waren nicht bereit für den Krieg mit
Russland [Ils n’étaient pas prêts à entrer en guerre contre la Russie],
AP, 19.08.2008.<br>
<br>
[14] Schröder gibt Saakaschwili die Schuld [Schröder accuse Saakashvili], Der Spiegel, 16.08.2008.<br>
<br>
[15] Grey, Barry : Bush accentue la confrontation avec la Russie, World Socialist Web Site, 13.08.2008.<br>
<br>
[16] Der Spiegel, 16.08.2008.<br>
<br>
[17] Dans la perspective de l’adhésion à l’OTAN, la Géorgie renforce considérablement son armée, <a href="http://russland.ru">russland.ru</a>, 16.07.2008.<br>
<br>
[18] Nuclear Nigthmares : The Return of M.A.D., Huffington Post, 19.08.2008.<br>
<br>
[19] Chin, Larry : South Ossetia : superpower oil war, Online Journal, 13.08.2008.<br>
<br>
[20] Ces propos et nombre d’autres remarques critiques formulées par
Poutine ont été coupés au montage lors de la diffusion de l’interview
par la chaîne ARD. Pour une transcription complète de l’interview,
consulter l’adresse <a href="http://www.spiegelfechter.com/wordpress/392/das-interview">http://www.spiegelfechter.com/wordpress/392/das-interview</a> <br>
<br>
[21] euractiv, 25.08.2008.<br>
<br>
[22] Rosenbaum, Kaspar : Südossetien : Der Westen in der
Propaganda-Schlacht [Ossétie du Sud : l’Occident dans la guerre de
propagande], ef-online, 11.08.2008.<br>
<br>
[23] euractiv, 25.08.2008.<br>
<br>
[24] Energie-Agentur sagt wachsende EU-Abhängigkeit von Importen voraus
[Selon l’Agence de l’énergie, l’UE devrait dépendre de plus en plus des
importations], Yahoo News Finanzen, 04.09.2008.<br>
<br>
[25] Stratfor : Russland hat Stärke gezeigt und wird nur auf Stärke
hören [la Russie a fait la preuve de sa puissance et n’écoutera que la
force], RIA Novosti, 11.08.2008.<br>
<br>
[26] Russlands Vorgehen ähnelt dem von Hitler [Les méthodes de la Russie ressemblent à celles de Hitler], Die Welt, 11.08.2008.<br>
<br>
[27] Session extraordinaire du Conseil européen, Bruxelles, 01.09.2008, 12594/08.<br>
<br>
[28] Pflüger, Tobias : EU eskaliert den Konflikt mit Russland weiter
[L’UE poursuit l’escalade dans le conflit avec la Russie],
IMI-Standpunkt 2008/052.<br>
<br>
[29] À propos du rôle de l’Allemagne, cf. : Hantke, Martin,
Georgienkrieg und imperiale Geopolitik [Conflit géorgien et
géopolitique impériale], in : AUSDRUCK (octobre 2008).<br>
<br>
[30] Naumann, Klaus et al. : Towards a Grand Strategy for an Uncertain World : Renewing Transatlantic Partnership, URL : <a href="http://tinyurl.com/5bujl9">http://tinyurl.com/5bujl9</a> pp. 47 et suivantes.<br>
<br>
[31] U.S. Senate Committee on Foreign Relations, Senator Richard
G.Lugar Opening Statement for Hearing on Oil, Oligarchs and Opportunity
: Energy from Central Asia to Europe, 12.06.2008, URL : <a href="http://tinyurl.com/df7tg8">http://tinyurl.com/df7tg8</a> <br>
<br>
[32] BIDEN : We Need to Confront Russia’s Oil Dominance with Aggressive, High Level Diplomacy, 12.06.2008, URL : <a href="http://tinyurl.com/">http://tinyurl.com/</a> crjhol <br>
<br>
[33] Corso, Molly : Georgia : Washington and Tbilisi sign Strategic Pact sure to irk the Kremlin, Eurasia Insight, 09.01.2009.<br>
<br>
[34] Framework Document on the establishment of the NATO-Georgia Commission, Tbilisi, 15.09.2009.<br>
<br>
[35] Dimitri Medvedev raises spectre of new Cold War, The Times Online, 26.08.2008.<br>
                                 <br><br>
                                 Martin Hantke<br><br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><b><font class="ue1" size="4">Frères d’esprit : intensification de la coopération Europe - Otan                                 </font></b>
                                 <br><br><br>
                                                                         <br>
Ce n’est pas tant en raison de la grave crise économique et des
problèmes militaires des États-Unis que le nouveau président Barack
Obama cherche à serrer les coudes avec ses alliés européens. En échange
d’un pouvoir politique croissant, les États européens soutiendraient
militairement encore plus fortement les États-Unis pour le maintien de
l’ordre mondial occidental.<br>
<br>
Il est possible de pointer d’ores et déjà les premiers signes d’un tel
« partage de la charge » et d’un rôle croissant de l’Otan. Dès
aujourd’hui, l’Europe peut utiliser les capacités de l’Otan pour mener
des opérations militaires dans le cadre de l’accord Berlin +, tel qu’il
est actuellement pratiqué en Bosnie. Cependant il y a aussi de plus en
plus de débats sérieux pour instaurer le processus inverse et permettre
à l’Otan d’avoir accès aux capacités civiles de l’Europe pour mener ses
guerres (Berlin + inversé). La présidence du Conseil de l’Europe, qui
incombe jusqu’à l’été 2009 à la République tchèque, a donné son mot
d’ordre principal : l’amélioration du partenariat avec l’Otan dans le
cadre de la politique militaire de l’Union européenne. Un rapport,
rédigé sous la direction d’Ari Vatanen (groupe parlementaire des
conservateurs français), a été adopté à la mi-février, avec une très
faible majorité ; il demande au Parlement européen d’augmenter le
travail en commun entre l’Europe et l’Otan, notamment à travers
l’établissement de structures permanentes de coopération. Pour
couronner le tout, au sommet de l’Otan, en avril, à Strasbourg,
Baden-Baden et Kehl, le gouvernement français veut réintégrer
pleinement les structures militaires de l’Otan, après plus de quarante
ans d’absence. Pour cela, la France devrait être récompensée par un
important poste de commandement.<br>
<br>
Autre domaine d’intense coopération : l’Irak. Barack Obama n’a pas fixé
d’échéance pour le retrait des troupes américaines. Selon Robert Gates,
inamovible ministre de la Défense, plus de 40 000 soldats peuvent
occuper le pays pour des décennies. À peine une semaine après
l’élection d’Obama, le Conseil de l’Europe décide que la mission EU
JUST LEX entraînera dès la mi-2009 les forces régulières d’Irak, et,
ainsi, elle soutient directement les États-Unis dans leur occupation
militaire. En décembre 2008, l’Otan dans sa totalité a pris une
décision similaire.<br>
<br>
Mais l’aspect le plus important reste la demande des États-Unis pour
une aide plus large et significative dans la guerre en Afghanistan.
Barack Obama veut envoyer plus de 30 000 soldats en sus des 55 000 déjà
sur place. Au même moment, il insiste avec véhémence pour que l’Union
européenne augmente massivement ses troupes d’occupation. Les États
européens y sont déjà favorables – par exemple, M. Jung, ministre de la
Défense allemand, avait annoncé, lors de la conférence sur la «
sécurité » de Munich, que son pays fournira des contingents
supplémentaires pour la Force de réaction rapide, en charge des
opérations de contre insurrection dans le Nord de l’Afghanistan.<br>
<br>
Tout ceci croît ensemble et forme une unité : l’Union européenne et
l’Otan travaillent de plus en plus fortement pour joindre leurs
efforts, planifier et mener leurs guerres. <br><br>
                                 Tobias Pflüger                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">L’OTAN entre 1949 et 1991 : bref bilan d’une histoire belliqueuse                                 </font></b></font>
                                 <br><br><br>
                                                                         <br>
L’OTAN se définit elle-même comme une alliance défensive. Or, à sa
création voici 60 ans, elle ne se désignait aucun ennemi. Dans une
étude datée du 6 janvier 1945, l’ « État-major conjoint des services de
renseignement américains » lui-même estimait que l’Union soviétique
(URSS) n’affichait ni la capacité, ni la volonté d’une confrontation
avec les États-Unis et ses alliés, qu’elle était contrainte de se
concentrer sur la reconstruction et la protection de sa zone
d’influence et qu’elle ferait tout pour éviter de nouveaux conflits
internationaux dans l’environnement de l’après-guerre.[1]<br>
<br>
Les États-Unis et leurs alliés avaient toutefois conscience du fait
que, s’ils ne représentaient qu’une petite partie de la population
mondiale, ils disposaient de la grande majorité des richesses de la
planète. Il s’agissait dès lors de « concevoir un modèle de relations
qui nous permette de préserver cette situation de déséquilibre », comme
l’exprimait George F. Kennan, théoricien de la politique d’endiguement
de l’Union soviétique , dans la « Policy Planning Study 23 » publié par
le Département d’État américain.[2]<br>
<br>
<br>
<b>Roll Back</b><br>
<br>
Les deux Guerres mondiales désastreuses qu’avaient menées les unes
contre les autres les puissances impérialistes avaient sensiblement
réduit la part du monde sur laquelle elles exerçaient un contrôle
direct. L’objectif commun à tous les pays capitalistes était par
conséquent de rétablir leur contrôle sur les territoires qui s’étaient
détournés du capitalisme après la Première Guerre mondiale (pour la
Russie) ou la Deuxième (pour l’Europe centrale et orientale et la
Chine). Pour ce faire, il leur fallait désormais tirer sur la même
corde. Forts de leur hégémonie incontestable, les États-Unis furent en
mesure de constituer autour d’eux une alliance transatlantique garante
d’une coopération étroite entre États impérialistes et capable de
contrer toute velléité de compétition entre ces États. Pour les
États-Unis, l’OTAN constituait l’instrument apte à asseoir leur
hégémonie sur le camp occidental ; pour les puissances européennes
affaiblies, la soumission volontaire leur garantissait le soutien
nécessaire pour défendre leurs intérêts vis-à-vis du bloc oriental et
des pays africains et asiatiques en lutte pour leur indépendance.<br>
<br>
Avant même la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis
avaient élaboré des plans ambitieux destinés à s’assurer le contrôle
stratégique de l’économie mondiale et développé pour ce faire un
concept baptisé « Grand Area Planning » (planification du grand
espace). Y étaient mentionnées les régions du monde qui devaient être «
ouvertes » - aux investissements et à la mainmise sur les ressources –
et les modalités d’organisation des institutions financières et de la
planification financière.<br>
<br>
L’Union soviétique et la Chine formaient les principaux obstacles à ces
projets. Il s’agissait dès lors de concentrer, par le biais d’une
politique baptisée « Roll Back », l’ensemble des efforts politiques et
militaires sur l’endiguement d’un « communisme agressif ». Ces efforts
débutèrent au cœur du monde occidental, avec la lutte militaire contre
le front populaire de gauche en Grèce et l’élaboration de projets de
putsch destinés à empêcher la prise du pouvoir par les partis
communistes – en France et en Italie, par exemple. La sauvegarde de
l’ordre capitaliste dominant à l’intérieur de ses frontières allait
également devenir l’une des principales missions de l’OTAN.[3] À partir
de juin 1950, soit neuf mois après la création de l’OTAN, tous les
États membres de l’époque – à l’exception de l’Islande et du Portugal –
combattirent en Corée aux côtés des États-Unis.<br>
<br>
<br>
<b>Des plans de guerre nucléaire</b><br>
<br>
Deux semaines seulement après la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
l’État-major des forces armées américaines avait adopté un mémorandum,
dans lequel il demandait de n’attendre en aucun cas une frappe de
l’URSS et de frapper les premiers.[4] Tout au long de la Guerre froide,
ce principe demeura le leitmotiv de tous les plans militaires élaborés
contre l’URSS et la base de toutes les stratégies américaines, base
reprise peu ou prou par l’OTAN. Dans les années qui suivirent, cette
recherche de la confrontation fut renforcée par des plans d’attaque
brutaux baptisés « Cible nucléaire : Union soviétique » (directive JIC
329, 1945), « Broiler » (1947), « Halfmoon » (1948) ou encore «
Dropshot » (1949). Tous prévoyaient la destruction par bombardement
nucléaire de centres soviétiques dont le nombre croissait année après
année.[5]<br>
<br>
En 1949, après le premier essai nucléaire soviétique, les États-Unis
imaginèrent la stratégie de « représailles massives », en vertu de
laquelle même une agression conventionnelle restreinte sur un membre de
l’Alliance devait entraîner une frappe nucléaire. Cette stratégie fut
reprise par l’OTAN en 1952. Après que l’Union soviétique eut rétabli,
en 1954, l’équilibre stratégique en se dotant de ses premiers missiles
nucléaires intercontinentaux, les États-Unis débutèrent l’installation
en Europe de missiles à courte et moyenne portée équipés de têtes
nucléaires et capables d’atteindre le territoire du Bloc de l’Est.
Réarmée, la RFA adhéra elle aussi à l’OTAN. En réaction, l’Union
soviétique fonda, en 1955, l’alliance militaire connue sous le nom de
Pacte de Varsovie et équipa elle aussi d’armes nucléaires ses troupes
stationnées en Europe orientale. En 1958, l’OTAN prit la décision
d’intégrer les armes nucléaires américaines dans ses stratégies
militaires, tout en laissant aux États-Unis le pouvoir de décider de
leur utilisation.<br>
<br>
Le quasi-rétablissement de l’équilibre nucléaire par l’URSS rendit
caduque une stratégie de « représailles massives » qui risquait de
transformer rapidement un conflit localisé en une guerre
d’anéantissement total. Qui plus est, cette stratégie n’aurait guère
été politiquement défendable plus longtemps face aux répercussions à
long terme d’un conflit nucléaire. C’est pourquoi , en 1967, la
stratégie des « représailles massives » céda la place à une autre.
Baptisée « Flexible Response » (réponse flexible), cette nouvelle
stratégie prévoyait l’engagement graduel d’armes conventionnelles,
d’armes nucléaires tactiques et de missiles nucléaires
intercontinentaux, en vue de pouvoir circonscrire géographiquement une
guerre contre les pays du Pacte de Varsovie ou de restreindre le choix
des armes engagées. Maintenue – moyennant quelques modifications en ce
qui concerne les armes nucléaires – jusqu’en 1991, cette stratégie
prévoyait elle aussi l’option de la première frappe nucléaire.<br>
<br>
Contrairement à la propagande répandue d’une menace soviétique, les
États de l’OTAN ont toujours bénéficié d’une large supériorité
militaire par rapport à ceux du Pacte de Varsovie et joui d’une avance
considérable, à tout le moins qualitative, dans tous les types
d’armements.[6] Et si la capacité de riposte soviétique est demeurée
incontestée, en dépit des efforts d’armement déployés, la situation de
pat nucléaire a dans une large mesure vidé de toute utilité politique
l’arsenal nucléaire gigantesque constitué par les deux camps. Le
recours à de telles armes dans un conflit conventionnel limité était en
effet une éventualité à ce point disproportionnée et risquée qu’elle ne
pouvait constituer une menace crédible. Ces armes ne pouvaient donc
guère servir les intérêts des uns et des autres en matière de politique
étrangère.<br>
<br>
À partir des années 1970, les États-Unis, forts de ce constat et
encouragés par le développement de nouveaux missiles à moyenne portée
capables de frapper avec précision des objectifs militaires et des
postes de commandement, intensifièrent leurs efforts en vue de refaire
de l’option nucléaire une perspective réaliste susceptible de mener à
la victoire. Se fondant sur ces systèmes d’armes, ils passèrent à une
stratégie visant à « décapiter » l’Union soviétique par la destruction
de sa direction politique et militaire. En 1980, le président américain
Jimmy Carter signa la Presidential Directive 59, qui énonçait une «
stratégie de l’équilibre » destinée à pouvoir remporter un conflit
nucléaire en évitant l’anéantissement global.[7] En décembre de la même
année, Colin S. Gray, conseiller au Pentagone, fit paraître un article
intitulé « Victory is possible » (la victoire est possible), dans
lequel il affirmait qu’il fallait envisager l’option d’une attaque
nucléaire menée par surprise par les États-Unis en vue d’éliminer les
cercles de direction politiques et militaires soviétiques et allait
jusqu’à qualifier de risque supportable la perspective de 20 millions
de victimes aux États-Unis. Le président Ronald Reagan entérina
officiellement cette stratégie et fit de son concepteur son principal
conseiller militaire.[8]<br>
<br>
Au cœur de cette stratégie offensive perfectionnée se trouvaient les
missiles Pershing II et autres missiles de croisière, installés en
Europe occidentale à la suite de la « double décision » prise par
l’OTAN en décembre 1979. Si, officiellement, les 108 Pershing II et 464
missiles de croisière terrestres étaient censés répondre à la menace
posée par les nouveaux missiles SS-20 soviétiques, ils n’en faisaient
pas moins partie – comme le confirma Colin S. Gray dans le magazine Air
Force en 1982 – de la stratégie de décapitation évoquée plus haut.[9]<br>
<br>
<br>
<b>Air-Land-Battle et Follow-On-Forces-Attack</b><br>
<br>
Parallèlement aux plans de guerre nucléaire, les États membres de
l’OTAN réorientèrent également leur conception de la guerre
conventionnelle, délaissant le principe de la « défense avancée » le
long des frontières mêmes du Pacte de Varsovie pour lui préférer celui
d’opérations offensives menées loin en territoire ennemi. Ce principe
fut énoncé pour la première fois en 1982 dans la doctrine «
Air-Land-Battle » de l’armée américaine et formulé plus clairement
encore dans des plans à long terme tels que « Air-Land Battle 2000 ».
Ces deux documents furent également entérinés par l’armée fédérale
allemande.[10] Au niveau de l’OTAN, le comité de défense de l’Alliance
adopta, en 1984, un concept quasi identique : baptisé «
Follow-On-Forces-Attack », il prévoyait des offensives menées jusqu’à
500 km à l’intérieur du bloc soviétique.[11]<br>
<br>
Ces plans militaires étaient étroitement liés au concept d’ « escalade
horizontale », qui faisait partie intégrante de la « réponse flexible »
et prévoyait de répondre à une intervention politique ou militaire de
l’Union soviétique dans un conflit local – dans le Golfe persique par
exemple – par des attaques visant des points plus vulnérables du Pacte
de Varsovie.[12] Comme l’affirmaient en 1982 Meinhard Glanz, alors
inspecteur des forces armées allemandes, et son collègue américain
Edward C. Meyer dans le concept « Air-Land Battle 2000 » élaboré par
leurs soins, l’enjeu n’était pas seulement le conflit avec l’Union
soviétique, mais aussi le contrôle du reste du monde. « Les pays
émergents du tiers monde [concourent à accroître] le déséquilibre des
forces. Ces nations pourraient s’allier à des États ennemis et recourir
au terrorisme, au chantage ou à des conflits circonscrits, pour obtenir
une part équitable des ressources. »[13] C’est à cela aussi que servait
le réseau de bases militaires créées dans le cadre de l’OTAN et dont le
centre de gravité se situe en RFA. Dès le départ, il servit également
de base pour les guerres menées contre les peuples africains et
asiatiques qui se battaient pour leur indépendance. L’OTAN apporta par
ailleurs un soutien actif aux États-Unis dans les guerres de Corée et
du Vietnam, ainsi qu’au Portugal, en Angola et au Zimbabwe.<br>
<br>
Au vu de ce qui précède, la politique ouvertement offensive déployée
par l’OTAN depuis 1990 ne constitue aucunement un changement de cap
pour une organisation dont on prétend souvent qu’elle est passée du
statut d’ « alliance défensive » à celui d’ « alliance offensive ».
Depuis l’effondrement de l’URSS, les États membres de l’OTAN ont tout
simplement les mains libres pour conduire une politique suivie depuis
la fondation de l’Organisation.<br>
<br>
<br>
Remarques:<br>
<br>
[1] Memorandum of the Joint Intelligence Staff, Capabilities and
Intensions of the USSR in the Post-War Period, JIS 80/2, January 6,
1945, National Archives, Washington D.C. (Cité d’après Lühr Henken “Die
NATO im Kalten Krieg – Verteidigungs- oder Angriffsbündnis“, Beitrag
auf dem Kasseler Friedensratschlag [L’OTAN dans la Guerre froide –
alliance défensive ou offensive, contribution au Conseil de paix de
Kassel], 2.12.2008)<br>
<br>
[2] George F. Kennan, „Review of Current Trends in U.S. Foreign
Policy“, Policy Planning Staff, PPS No. 23, in: Foreign Relations of
the United States, 1948, Vol. I v. 24.2.1948, pp. 509-529<br>
<br>
[3] C’est à cette fin que fut notamment créé le réseau Gladio,
organisation paramilitaire secrète de l’OTAN, chargé de mener des
opérations de guérilla en cas de prise du pouvoir par les communistes
en Europe occidentale. Certains éléments de cette organisation active
entre 1950 et 1990 se sont livrés à des actes de terrorisme
systématiques et ciblés dans divers pays d’Europe occidentale, avec le
soutien des organes de l’État. Cf. Daniele Ganser: NATO’s Secret
Armies: Operation Gladio and Terrorism in Western Europe, London 2005<br>
<br>
[4] Joint Chiefs of Staff, Basis for the Formulation of a U.S. Military
Policy, JCS 1492/2, September 9, 1945, Printed in: U.S. Department of
State, Foreign Relations of the United States 1946, vol.I, Washington
D.C.<br>
<br>
[5] Cf. Heinrich Hannover, Befreiung auf amerikanisch [Libération à
l’américaine], Ossietzky, tirage à part mars 2004 (source : Jürgen
Bruhn, Der kalte Krieg oder: Die Totrüstung der Sowjetunion [La Guerre
froide ou l’armement funeste de l’Union soviétique], Gießen)<br>
<br>
[6] Cf. Lühr Henken op.cit.<br>
<br>
[7] Matthew M. Oyos “Jimmy Carter and SALT II: The Path to Frustration” American Diplomacy, 12/1996<br>
<br>
[8] Colin S. Gray u. Keith Payne, “Victory is Possible”, Foreign Policy, été 1980, pp. 14-27<br>
<br>
[9] Till Bastian (Éd.): Ärzte gegen den Atomkrieg. Wir werden Euch
nicht helfen können [Les médecins face à la guerre nucléaire. Nous ne
pourrons pas vous aider], Pabel-Moewig Verlag Kg, 1987, p. 9 (s.
IPPNW-Chronik 1982)<br>
<br>
[10] Bjørn Møller, „Wider die Offensive - Vorschläge für eine defensive
Sicherheitsstruktur in Europa“ [Contre l’offensive – propositions
relatives à une structure de sécurité défensive en Europe], W&F,
3-98<br>
Ludwig Weigl, Strategische Einsatzplanungen der NATO, Dissertation,
Universität der Bundeswehr München [Plans d’intervention stratégique de
l’OTAN, thèse de doctorat, université de l’armée fédérale, Munich],
septembre 2005<br>
<br>
[11] , Bernard W. Rogers, "Greater Flexibility For NATO's Flexible Response", Strategic Review, XI (Spring 1983), pp. 11-19<br>
<br>
[12] Wilhelm Bittorf, „Der Schlieffen-Plan des Pentagon“ [Le plan Schlieffen du Pentagone], Gewerkschaftliche Monatshefte, 9/83<br>
<br>
[13] Clemens Ronnefeldt, „Wieder einmal Blut für Öl“ [Quand le pétrole fait à nouveau couler le sang], Friedensforum 1/2002<br>
                                 <br><br>
                                 Joachim Guilliard                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">Politique nucléaire agressive et défense antimissiles de l’OTAN                                 </font></b></font>
                                 <br><br><br>
                                                                         <br>
La mise en place d’une défense antimissiles en Europe figurera en avril
2009 à l’ordre du jour du Sommet de l’OTAN, dont la stratégie y sera
par ailleurs débattue. S’agissant de défense antimissiles, l’OTAN a
désormais lancé deux programmes, le premier étant le « système de
défense active multicouches contre les missiles balistiques de théâtre
» (Active Layered Theatre Ballistic Missile Defence System, ALTBMD). La
première tranche de ce système d’armes conçu pour protéger les corps
expéditionnaires à l’étranger devrait être opérationnelle d’ici 2010. À
cette fin, divers États membres de l’OTAN fourniront les capteurs et
les composantes des armes, tandis que l’OTAN en son entier se chargera
des structures de commandement (BMC3I – système de commandement, de
contrôle, de communication et de renseignement pour la gestion
tactique). La réalisation de ce projet aura un coût annoncé d’environ
800 millions d’euros, dont 18 % à la charge de l'Allemagne.[1] Il est
en outre prévu d’intégrer à ce système le projet
américano-germano-italien controversé MEADS de défense aérienne élargie
à moyenne portée (Medium Extended Air Defence System). [2]<br>
<br>
Lors du Sommet d’Istanbul en 2004, les chefs d’État et de gouvernement
des États membres de l’OTAN sont convenus d’accélérer les plans de
défense antimissiles. Ils ont approuvé la mise en place d’une
organisation de gestion du programme sous l’égide de la Conférence des
Directeurs nationaux des armements (CDNA) qui fonctionne depuis mars
2005. En septembre 2006, au Sommet de Riga, le système ALTBMD a fait
l’objet d’un premier contrat de développement, d’un montant
approximatif de 75 millions d’euros, entre l’OTAN et un consortium de
sociétés des États-Unis, de Grande-Bretagne, d’Allemagne, de France,
d’Italie et des Pays-Bas.<br>
<br>
Le Sommet de Prague qui s’est tenu en 2002 a été l’occasion de
commander une étude de faisabilité concernant un second programme de
défense antimissiles dont l’objectif, autrement plus ambitieux, est de
protéger le territoire de l’OTAN et les plus grands centres de
population. Vu que l’élaboration en a été confiée précisément à un
consortium de sociétés d’armement fortement et naturellement
intéressées par un tel bouclier[3], on ne s’étonnera pas que cette
étude de 10 000 pages, tenue jusqu’ici confidentielle, soit parvenue à
la conclusion qu’une défense antimissiles couvrant la superficie de
l’OTAN est techniquement réalisable dans son principe. Quant à savoir
si les directions politiques des membres de l’OTAN connaissent
véritablement la teneur de cette étude, on peut en douter. Néanmoins,
ses conclusions ont été confirmées par les ministres de la « Défense »
en avril 2006. Une fois déployé dans toutes ses phases, ce système
devrait coûter entre 27,5 et 30 milliards d’euros, et 40 milliards ou
davantage en tenant compte des indispensables satellites d’alerte
précoce.[4] Enfin, lors du Sommet de l’OTAN en avril 2008 à Bucarest,
le Conseil de l’OTAN a été chargé « d’élaborer des options d’une
architecture étendue de défense antimissiles afin de couvrir la
totalité du territoire et la population de l’Alliance qui ne sont pas
abrités par le parapluie américain. Elles seront examinées lors de
notre Sommet de 2009 afin d’étayer toute décision politique future ».[5]<br>
<br>
Parfaitement à l’inverse de toutes les assurances au rabais, ces
projets de défense antimissiles ne concernent aucunement la défense,
mais bien la capacité d’attaque. Même la Fondation Science et
Politique, bien que proche du gouvernement, déclare « que les éléments
dont nous disposons aujourd’hui ne permettent guère de douter de
l’inexistence actuelle de risques et de menaces qui justifieraient la
mise en place d’une architecture de défense antimissiles ». L’auteur
relie l’importance de la défense antimissiles à la politique
interventionniste de l’OTAN et de l’UE. « Qu’il s’agisse de l’OTAN
(NRF, Force de réaction de l’OTAN) ou de l’Union européenne
(groupements tactiques de l’UE), l'Allemagne fournit une part
considérable des forces d’intervention rapide (…) Au cas où un État,
contre lequel une intervention de la communauté internationale est
devenu incontournable, aurait les moyens de menacer la République
fédérale d’un recours à des armes de destruction massive, il
s’ensuivrait une situation stratégique radicalement transformée. » [6]<br>
<br>
<br>
<b>L’OTAN et les armes nucléaires</b><br>
<br>
En adoptant un nouveau concept stratégique lors du Sommet de Washington
en avril 1999, l’OTAN se muait une fois pour toutes en une alliance
interventionniste à l’échelle mondiale. Tout en menant en Yougoslavie
une guerre d’agression collective contraire au droit international,
elle décidait par ailleurs de ne plus réfléchir à l’éventuelle
renonciation à la première frappe nucléaire, tel que l’avait brièvement
mis en débat Joschka Fischer, ancien ministre allemand des Affaires
étrangères. Au contraire, les armes nucléaires devaient continuer à
jouer pour l’OTAN un rôle essentiel « en maintenant tout agresseur dans
le doute quant à la façon dont les Alliés riposteraient en cas
d’agression militaire. »[7]<br>
<br>
En janvier 2002, le rapport secret d’examen de l’arsenal nucléaire
américain (Nuclear Posture Review[8]) décrivait les armes nucléaires
comme une option militaire quasi normale dans l’arsenal américain. La
Russie, la Chine, l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord, la Libye et la
Syrie étaient qualifiés d’« États voyous » qui pourraient être visés
par une éventuelle frappe nucléaire américaine. La mise au point d’«
armes anti-bunker » et de « minibombes nucléaires » devait faire de
l’atome un instrument utilisable sur le plan tactique. Enfin, l’usage
de l’arme nucléaire était également projeté « en cas d’évolutions
militaires surprenantes ».<br>
<br>
La Stratégie nationale de sécurité de septembre 2002[9] proclame que le
but suprême de la politique des États-Unis est d’assurer leur
domination. Dès lors, l’éventualité d’une guerre d’agression contre un
quelconque pays est un moyen éprouvé d’empêcher qu’une menace contre
les États-Unis et leurs intérêts ne puisse à l’avenir émaner de ce
pays. Le préalable en est l’absolue supériorité militaire des forces
américaines. « En effet, en s’arrogeant le droit d’intervenir à
l’échelle globale, les États-Unis portent immanquablement atteinte aux
intérêts stratégiques d’autres pays. Pour que ces pays se tiennent
tranquilles et ne puissent causer aucun dommage, il faut que la
supériorité américaine soit imposante. » [10] C’est dans ce contexte
précisément qu’un bouclier de défense prend toute sa signification.
Pour Robert Kagan et William Kristol, deux néoconservateurs très en
vue, « un système antimissiles [est] … la condition sine qua non d’une
stratégie de prédominance américaine … Seule une Amérique bien protégée
sera en mesure de dissuader des États voyous – et si nécessaire de
s’affronter à eux – s’ils mettaient la stabilité régionale en péril
».[11]<br>
<br>
Il y a longtemps que non seulement cette stratégie figure sur le
papier, mais que ses orientations également ont « déjà été intégrées à
la planification concrète des objectifs (des forces nucléaires) ».[12]
Enfin, en janvier 2008, le journal britannique The Guardian faisait
état d’un document stratégique dans lequel cinq anciens généraux de
l’OTAN conjuguaient à tous les modes la stratégie de guerre nucléaire
des États-Unis pour l’OTAN. Sous le titre « Towards a Grand Strategy
for an Uncertain World », John Shalikashvili (ex-commandant en chef de
l’OTAN en Europe), Klaus Naumann (ex-président du Comité militaire de
l’OTAN), Henk van der Bremen (ex-commandant en chef des Armées
néerlandaises), Jacques Lanxade (ex-chef d’état-major des Armées
françaises) et Lord Inge (ex-chef d’état major britannique) propagent
l’idée d’une première frappe nucléaire pour empêcher que des États
comme l’Iran n’accèdent à l’arme atomique. « Dans l’arsenal de
l’escalade, il faut que la première frappe nucléaire puisse rester cet
ultime avertissement permettant d’éviter le recours à des armes de
destruction massive. »[13]<br>
<br>
Le 21 avril 2008, un sujet du magazine « Fakt » diffusé par l’ARD
donnait à Klaus Naumann l’occasion de parler de ce document : « C’est à
dessein que nous avons dit qu’il n’existait dans notre arsenal aucune
arme dont nous excluions d’emblée l’emploi. C’est alors seulement que
s’accroît le facteur d’incertitude dans le calcul de l’adversaire. »
[14] « Fakt » cite les auteurs du document à propos d’un possible
emploi de l’arme nucléaire contre des terroristes ou des « États voyous
» : « Cet argument ultime de la politique peut être parfaitement retenu
comme une option première. »[15] À l’évidence, cette stratégie est
approuvée même par de hauts officiels de l’UE, ainsi Robert Cooper,
conseiller principal de Javier Solana, Haut Représentant de l'UE pour
la PESC : « Peut-être emploierons-nous l’arme atomique plutôt que tous
les autres, mais je me garderais de le dire à haute voix. » [16]<br>
<br>
Il n’est donc guère étonnant que l’hypothèse d’une première frappe
nucléaire ait été sérieusement débattue à huis clos lors du Sommet de
l’OTAN à Bucarest en avril 2008 : « Selon des informations du journal
parisien ‘Le Canard Enchaîné’, le Sommet de l’OTAN de Bucarest débattra
non seulement des points officiels à l’ordre du jour, mais aussi en
coulisses du recours à des bombes nucléaires miniaturisées. (…) Les
frappes nucléaires préventives visent à empêcher la dissémination
d’armes de destruction massive à l’ère du terrorisme, une idée appuyée
par plusieurs chefs militaires de l’OTAN. Ceci étant, un tel recours
contre un État jugé dangereux n’est pas exclu. Les États-Unis ont mis
au point des ‘minibombes nucléaires’. La France y avait renoncé en son
temps. Le 21 mars, dans un discours consacré à la doctrine nucléaire de
son pays, le président Nicolas Sarkozy déclarait que les armes
nucléaires permettaient de lancer ‘un avertissement’ à un agresseur. »
[17]<br>
<br>
<br>
<b>La défense antimissiles des États-Unis et la « nouvelle Europe »</b><br>
<br>
Lors des pourparlers menés avec la Pologne et la République tchèque sur
le stationnement de composantes de son système antimissiles,
l’Administration Bush avait démontré une fois de plus qu’elle
n’attachait aucune importance à une fastidieuse concertation avec ses
partenaires de l’OTAN, mais qu’elle faisait prévaloir ses intérêts en
cavalier seul. Mais en même temps, elle sollicite volontiers l’aide de
l’OTAN. Ainsi, Washington n’oublie pas de remarquer « que le Secrétaire
général de l’OTAN, Jap de Hoop Scheffer, a expressément souligné que
les Alliés étaient persuadés qu’un système antimissiles n’aurait aucune
incidence sur l’équilibre stratégique avec la Russie. » [18]<br>
<br>
En Alaska et en Californie, les États-Unis ont déjà déployé
respectivement dix et cinq intercepteurs (Ground-based Interceptors –
GBI) de leur défense antimissiles basée au sol pour la poursuite à
mi-course (Ground-based Midcourse Missile Defense System – GMDS). Au
total, 44 GBI sont prévus jusqu’en 2013. Bien qu’en 1997 l’OTAN eût
assuré la Russie qu’elle ne déploierait pas de potentiels militaires
stratégiques dans ses nouveaux États membres, le positionnement prévu
de dix missiles basés au sol avec intercepteurs en Pologne et d’un
radar de bande X à haute définition en République tchèque fait partie
intégrante du bouclier américain. Officiellement, Washington justifie
ce déploiement antimissiles en prétextant que le territoire américain
serait sous la menace de missiles intercontinentaux iraniens, un
argument dénué de la moindre crédibilité. L’Iran en effet, à supposer
qu’il en ait militairement l’intention, ne dispose pas des missiles
nécessaires, et il est « encore loin d’avoir acquis l’aptitude
technologique à la miniaturisation de têtes nucléaires (…), ce qui est
indispensable pour les embarquer sur des vecteurs balistiques à long
rayon d’action. » [19]<br>
<br>
<br>
<b>La Russie dans le collimateur</b><br>
<br>
C’est ailleurs qu’il faut chercher les raisons véritables de la
fébrilité des efforts américains dans le domaine de la défense
antimissiles : « L’objectif globalement recherché par les États-Unis en
tant que puissance mondiale est de conserver leur capacité d’action
nucléaire et conventionnelle, entre autres vis-à-vis d’États qui sont
ou seront eux-mêmes dotés d’armes nucléaires », estiment Frank Elbe,
ancien directeur du Centre d’analyse et de prévision du ministère
fédéral des Affaires étrangères et Ulrich Weisser, ancien directeur du
Centre d’analyse et de prévision du ministère fédéral de la Défense.
Raison pour laquelle, à leur sens, l’administration Bush, en dénonçant
en 2002 le Traité ABM interdisant la mise en œuvre d’un bouclier
territorial étendu « a laissé s’écrouler un important pilier de
l’édifice international du contrôle stratégique des armements » et «
invalidé le principe d’un équilibre stratégique savamment étudié entre
la Russie et l’Amérique. » [20]<br>
<br>
De même des voix venues d’Amérique confirment-elles que la défense
antimissiles n’est pas pensée en termes de défense, mais d’attaque.
Dans la revue Foreign Affairs, la première en matière de politique
étrangère aux États-Unis, Keir A. Lieber et Daryl G. Press décrivent le
programme américain de défense antimissiles comme un instrument d’une
nouvelle guerre froide contre la Russie et la Chine : « Les États-Unis
aspirent-ils résolument à la domination nucléaire ? … Les forces
nucléaires actuelles et futures des États-Unis semblent conçues pour
une décapitation préventive de la Russie ou de la Chine. (…) Le type de
défense antimissiles qui sera vraisemblablement déployé par les
États-Unis prendrait tout son sens premier dans un contexte offensif –
et non pas défensif – comme complément à une capacité américaine de
première frappe, et non pas comme un bouclier proprement dit. »[21]<br>
<br>
La puissante station radar de bande X que les États-Unis se proposent
d’installer en République tchèque sera capable « d’observer les tests
en vol de la Russie et le largage de têtes multiples par des fusées
russes de type ICBM (Missile balistique intercontinental) ». [22] Le
radar peut « détecter précisément des fusées intercontinentales, suivre
leur trajectoire et différencier les ogives nucléaires des leurres – et
par conséquent fournir des données fiables sur une mise à feu. » [23]
Depuis 1998, les États-Unis disposent déjà à Vardø (Norvège) d’une
telle installation qui, de l’avis d’experts, sert à surveiller les
expérimentations de fusées russes. « Avec un second radar de bande X
dont le stationnement est prévu à proximité de l’île de Shemya
(Aléoutiennes), il serait possible d’observer toutes les trajectoires
des missiles russes de longue portée lancés à partir du centre
d’expérimentation de Plessetsk, proche d’Archangelsk au nord-ouest de
la Russie, en direction de Kura, sur la presqu’île du Kamtchatka. De
surcroît, si le radar de bande X Cobra Dane basé en mer près de l’île
de Shemya était mis en réseau avec le système prévu en République
tchèque, il serait même possible de surveiller tous les missiles
intercontinentaux stationnés sur le sol russe et qui pourraient être
dirigés sur les côtes ouest et est des États-Unis. Les systèmes de
vecteurs seraient alors connus, de même que les propriétés des ogives
et des leurres russes. Ces données pourraient être entrées dans la
banque de données centrale du National Missile Defense, ce qui
permettrait de savoir à tout moment, de quelle manière et par quels
moyens la partie russe entendrait réagir dans le cas des cas. » [24]<br>
<br>
Le stationnement, d’ores et déjà en débat, d’un radar supplémentaire
dans le Caucase permettrait en outre d’observer les cosmodromes de
Baïkonour et de Kapustin Yar. [25] Des experts jugent possible que des
intercepteurs basés en Pologne « puissent intercepter des ogives russes
dirigées vers les États-Unis (…). En outre, les intercepteurs
stationnés en Pologne pourraient être reconvertis en armes offensives
munies de charges – nucléaires peut-être – et conventionnelles en tout
cas. Les stratèges militaires russes les considéreraient, en raison de
leur proximité géographique, comme une lourde menace pesant sur leurs
propres silos abritant des missiles nucléaires. » [26]<br>
<br>
Mais la Russie redoute avant tout qu’on n’en restera pas au
stationnement de missiles en Pologne. D’autres pas de tir, d’ores et
déjà débattus, se situeraient en Roumanie et en Bulgarie, en Ukraine et
en Géorgie. Côté russe, on s’attend à ce qu’après la Pologne, un
nouveau site de stationnement puisse être mis tous les ans en service.
En parallèle, il faut compter d’ici à 2020 avec une forte réduction des
missiles intercontinentaux russes pour cause d’obsolescence. La Russie
n’aura guère les moyens financiers de renforcer ses armes nucléaires
embarquées sur des sous-marins. Ainsi, « une multiplication drastique
du nombre d’intercepteurs basés dans l’Est de l’Europe, en se combinant
avec leur montée en puissance technique (par exemple Multiple Kill
Vehicles), pourrait éroder la capacité de seconde frappe de la Russie
et par là-même la substance même de la logique de dissuasion. » [27]<br>
<br>
Les préoccupations russes sont accentuées par le refus, réaffirmé
jusqu’ici par Washington, de proroger le traité START I – qui expire en
2009 et limite le nombre de missiles nucléaires intercontinentaux et
d’ogives–, par la signature d’une convention qui permettrait des
contrôles véritables. Les États-Unis n’ont pas ratifié le traité SALT
II (Strategic Arms Limitations Talk). Sur les instances sans cesse
renouvelées de la Russie exigeant un accord, les États-Unis se sont
déclarés disposés à signer le traité SORT (Strategic Offensive
Reductions Treaty) qui prévoit une limitation des armes nucléaires
stratégiques d’ici à 2012. Toutefois, ce traité constitue « une
solution taillée sur mesure pour les États-Unis », et par là-même « une
nouvelle défaite pour la Russie ». [28] Si le traité SORT autorise les
États-Unis et la Russie à maintenir en service opérationnel de 1 700 à
2 200 têtes nucléaires stratégiques de part et d’autre, il ne contient
toutefois guère d’instruments de contrôle et laisse la porte ouverte au
stockage d’armes nucléaires « neutralisées », mais non pas éliminées.
On estime que les États-Unis détiennent en réserve un supplément de 5
000 ogives intactes ainsi que les composantes de 12 000 autres qui
pourraient être rapidement réassemblées. Les missiles intercontinentaux
Peacekeeper et leurs silos seront simplement encoconnés. La Russie, par
contre, n’est pas en mesure d’entreposer et d’entretenir à grands frais
un nombre si important d’ogives. Ainsi, « le Traité SORT doit
s’interpréter comme étant le fondement d’une supériorité potentielle
des États-Unis dans la stratégie nucléaire. » [29]<br>
<br>
Les États-Unis voient donc s’accroître sensiblement leurs capacités
d’annihiler le potentiel de riposte de la Russie par une première
frappe surprise, de même que la possibilité d’en user comme d’un
instrument de chantage. Selon Vladimir Poutine, président russe à
l’époque de cette déclaration du début 2007, le bouclier antimissiles
américain en Europe de l’Est revêt pour la Russie une dimension
comparable à celle du déploiement de missiles Pershing-2 dans le cadre
de ladite double résolution de l’OTAN du 12 décembre 1979. [30]<br>
<br>
<br>
<b>La réaction russe</b><br>
<br>
Face à ces projets américains menaçants, Vladimir Poutine, alors
président de la Russie, allait perdre patience lors de la Conférence de
sécurité de l’OTAN qui s’est tenue à Munich début 2007. Il prenait
alors la liberté « d’éviter les formules de politesse superflues » et
d’appeler les choses par leur nom au lieu de faire assaut de « clichés
diplomatiques vides de sens ». [31] Il fustigeait vivement les doubles
standards de la politique des États-Unis et de l’OTAN. Aux yeux de la
Russie, l’élargissement de l’OTAN est « un facteur représentant une
provocation sérieuse ». Vladimir Poutine a récusé la crédibilité des
arguments avancés pour justifier une défense antimissiles et déclaré
qu’une « relance de la course aux armements » serait « inévitable » en
cas de déploiement.<br>
<br>
En mai 2007, l’armée russe a testé le RS-24, nouveau missile
intercontinental mobile à têtes multiples visant à perforer la défense
antimissiles. Depuis lors, la flotte de bombardiers russes porteurs de
bombes nucléaires opérationnelles a repris ses vols ininterrompus. Le
niveau d’alerte des forces nucléaires a été relevé. Lors du Sommet du
G8 qui s’est tenu à Heiligendamm en juin 2007, Vladimir Poutine a
proposé, au cas où les États-Unis renonceraient à une station radar en
République tchèque, d’utiliser conjointement une station radar en
Azerbaïdjan (Gabala). Celle-ci serait orientée plus favorablement vers
l’Iran, sans pouvoir observer aussi bien le territoire russe.
L’attitude évasive des États-Unis exprime éloquemment leurs intentions
réelles, raison pour laquelle Moscou contre-réagissait en remettant en
question sa future participation à d’importants accords de contrôle des
armements.<br>
<br>
Dans son message annuel adressé au Parlement russe début novembre 2008,
le président russe Dmitri Medvedev finissait par annoncer le
déploiement de missiles (de type Iskander-N) à court rayon d’action
(500 km) dans l’exclave russe de Kaliningrad. Ainsi, la Pologne, mais
aussi des pans de la République tchèque et de l'Allemagne deviendraient
des zones potentiellement visées par des missiles russes.[32]<br>
<br>
<br>
<b>La position allemande</b><br>
<br>
Seules des critiques tempérées viennent d’Allemagne contre les projets
américains. Elles visent avant tout l’unilatéralisme de
l’Administration Bush qui, aux yeux de Berlin, utilise à l’évidence la
question de la défense antimissiles comme un coin pour diviser les
alliés européens. Au sein de la grande coalition de gouvernement en
Allemagne, divers points de vue se sont fait jour après le discours de
Vladimir Poutine à Munich en février 2007. Frank-Walter Steinmeier, le
ministre des Affaires étrangères, a souligné la nécessité d’une étroite
concertation avec la Russie. Un soutien de la position américaine est
venu de la CDU, en particulier dans l’appréciation d’une prétendue
menace iranienne. Au mois de mars 2007, pour la première fois, la
chancelière fédérale Angela Merkel s’exprimait clairement à ce sujet,
exigeant « de faire de la défense antimissiles américaine un projet
commun à l’OTAN ». [33] Le 20 mai 2008, le ministre de la « Défense »
Franz Josef Jung, lors d’une rencontre en Pologne avec son homologue
polonais Bogdan Klich, s’est prononcé pour un bouclier antimissiles de
l’OTAN. Le ministre a souligné que l'Allemagne était favorablement
disposée envers une capacité de l’OTAN à déployer une défense
antimissiles à laquelle seront intégrés les éléments américains
projetés en Europe ».[34]<br>
<br>
Il est toutefois plus qu’invraisemblable que les États-Unis cèdent à
l’OTAN la maîtrise sur des éléments de leur défense antimissiles
nationale. Qui plus est, une telle arme sous commandement de l’OTAN ne
serait guère une moindre menace pour la Russie : « Même intégrée à
l’OTAN , une défense antimissiles américaine en Europe de l’Est n’en
reste pas moins un danger pour la Russie, comme le déclarait lundi à
Moscou le porte-parole officiel du ministère russe des Affaires
étrangères, Andreï Nesterenko. ‘Toutes les variantes de la défense
antimissiles en Europe intégreront, selon le communiqué (des ministres
des Affaires étrangères de l’OTAN ), le système défensif prévu en
Pologne et en République tchèque, lequel représente un potentiel
antirusse’. » [35] Ainsi donc, de là à soupçonner que cette proposition
est davantage un genre de subterfuge de propagande pour convaincre
l’opinion publique du ‘bien-fondé’ d’une défense antimissiles de
l’OTAN, il n’y a qu’un pas. » [36]<br>
<br>
Pendant ce temps, les recherches et analyses de la Bundeswehr sur la
défense antimissiles vont bon train. C’est ainsi que la Luftwaffe par
exemple effectue « actuellement ses propres études nationales sur
l’architecture système et l’analyse des coups au but à de très hautes
altitudes ». [37] Quant à l’industrie des armements, elle proclame haut
et fort ses intérêts. « En Allemagne, toutes les technologies
nécessaires au développement et à la production d’un potentiel TMD
(Theater Missile Defense) sont par conséquent disponibles. » [38]<br>
<br>
<br>
<b>La défense antimissiles à un tournant ?</b><br>
<br>
« Bush laisse un terrain miné », écrivait l’agence de presse russe RIA
Novosti le 1er novembre 2008. De fait, « Bush junior a pris ses
fonctions avec une équipe qui, dans sa majorité, était plus
unilatéraliste et, davantage qu’aucune autre administration américaine
par le passé, résolument fixée sur une supériorité militaire
américaine. » [39] Une plus grande souplesse et l’association plus
étroite des alliés au sein de l’OTAN sont attendues de Barack Obama et
de son équipe. Cependant, précisément le « charisme démocratique »
d’Obama pourrait élargir la marge de manœuvre de George W. Bush junior
et permettre à la nouvelle direction américaine « d’afficher si
nécessaire une implacable et indubitable fermeté ».[40]<br>
<br>
Alors que l’Administration Bush a mené tambour battant le déploiement
d’un système de défense antimissiles en Europe, des discussions sont
menées au sein de l’équipe Obama pour définir les dotations
prioritaires de l’armée américaine. Deux points sont en débat :
premièrement, l’efficacité de la défense antimissiles reste
controversée. Sans doute le Pentagone a-t-il fait publiquement état,
début décembre 2008, du huitième test réussi d’une défense
antimissiles, mais certains experts doutent de la réalité des
conditions d’expérimentation. En outre, un système antimissiles reste
relativement facile à forcer par une simple augmentation du nombre de
cibles. Il peut alors s’agir de missiles à têtes multiples ou d’une
multitude de leurres. Le second point concerne le dérapage incontrôlé
des coûts du programme de défense antimissiles. Un laboratoire à idées
du Parti démocrate, le « Washingtoner Center For American Progress »,
chiffrait récemment à 25 milliards de dollars les économies réalisables
grâce à l’abandon du projet. Conclusions de son rapport intitulé «
Développement des forces armées au XXIe siècle : réalités et priorités
nouvelles » : « Il faut suspendre la mise en œuvre du programme
antimissiles jusqu’à ce que son efficacité ait été démontrée par des
tests réalistes. » [41]<br>
<br>
Peut-être donc la mise à exécution du programme sera-t-elle ralentie.
Toutefois, il serait illusoire d’en conclure que la défense
antimissiles sera enterrée sous la présidence de Barack Obama. Au
contraire, ce dernier souhaite un système « performant », « efficient
en termes de coûts » et qui fonctionne. Mais avant tout,
l’Administration Obama devrait sans doute pousser les membres européens
de l’OTAN à prendre en charge une part des immenses coûts de ce
système. La Russie – mais aussi les « États voyous » visés par cette
stratégie nucléaire – ne toléreront pas sans mot dire cette stratégie
agressive et prendront des mesures de rétorsion. Si donc l’OTAN, lors
du Sommet d’avril 2009, devait mettre son projet à exécution et
accélérer le déploiement d’un bouclier antimissiles, la course aux
armements risque d’être relancée.<br>
<br>
<br>
<b>Appendice : Le réseau du lobby pour la défense antimissiles</b><br>
<br>
Les auteurs de l’étude « Towards a Grand Strategy for an Uncertain
World » sont intimement impliqués dans réseau du lobby des armements et
du nucléaire. Après sa carrière militaire, John Shalikashvili fut
directeur chez Boeing, un groupe qui construit entre autres des
missiles porteurs d’armes nucléaires des États-Unis. Jacques Lanxade a
travaillé pour le constructeur d’armements EADS qui fournit le nouveau
missile M51 destiné aux forces nucléaires françaises. Lord Inge et
Klaus Naumann sont membres du conseil de surveillance de la Sté OWR AG
qui livre aux militaires du monde entier (en particulier de l’armée
américaine) des systèmes de protection et de décontamination atomique,
biologique, bactériologique et chimique.<br>
<br>
.Aux États-Unis tout particulièrement, la politique – militaire avant
tout – n’est pas l’apanage de la seule Maison Blanche. Énorme est le
pouvoir du complexe militaro-industriel, du Pentagone et de l’industrie
des armements, des thinks tanks et des laboratoires d’armes nucléaires
qu’ils financent. Même le gouvernement dirigé par le président
démocrate Bill Clinton a dû payer un tribut à cette influence. Sa
tentative de modifier radicalement la stratégie américaine de guerre
nucléaire, le dimensionnement et la structure des forces nucléaires a
été réduite à néant par une « fronde de la bureaucratie militaire ».
Dans ce domaine règne « l’interdiction pratique d’une pensée
alternative », le contrôle civil et les principes démocratiques sont
invalidés. [1]<br>
<br>
En son temps, Clinton a dû faire machine arrière et accepter une
Nuclear Posture Review qui maintenait en service la triade composée de
bombardiers, de missiles intercontinentaux et de sous-marins nucléaires
lanceurs d’engins, qui prévoyait une réserve d’ogives supérieure aux
limitations du Traité START II et, qui pour la première fois, menaçait
d’utiliser l’arme atomique contre des pays ne disposant eux-mêmes pas
de telles armes. Un document-clé relatif à la défense antimissiles, le
« National Missile Defense Act of 1999 », porte la signature du
président démocrate Bill Clinton. Citation : « Il est dans la politique
des États-Unis de développer aussi rapidement que la technologie le
permettra un système national efficace de défense antimissiles qui soit
en mesure de défendre le territoire des États-Unis contre des attaques
limitées de missiles balistiques. » [2]<br>
<br>
Certains observateurs s’attendent à ce que « le consensus politique
bipartisan » se prolonge sur ce sujet de la défense antimissiles. «
Mais plus important encore, les budgets constants de 9 à 10 milliards
de dollars par an ont généré un énorme réseau étroitement tissé (…). Ce
solide réseau d’acteurs et d’intéressés a métamorphosé ‘l’animal
ABM-SDI-BMD-MD’ en un dinosaure insatiable qui réclame constamment de
la nourriture. » [3] Pour des géants américains de l’armement comme
TRW, Raytheon et Lockheed (mais aussi pour des firmes de l’armement
comme Thalès, Diehl et EADS dans l’UE), l’enjeu est énorme. Depuis le
milieu des années 1980, les États-Unis ont dépensé au total plus de 110
milliards de dollars pour la défense antimissiles. »[4] Ces groupes
feront tout pour sauvegarder leurs prébendes et les perspectives de
profits futurs, et même dans l’équipe d’Obama, il devrait sans doute se
trouver suffisamment de personnes pour les appuyer en ce sens.<br>
<br>
A[1] Harald Müller, Annette Schaper : US-Nuklearpolitik nach dem Kalten
Krieg (La politique nucléaire des États-Unis après la guerre froide »),
op.cit.<br>
<br>
A[2] <a href="http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/05/20030520-15.html">www.whitehouse.gov/news/releases/2003/05/20030520-15.html</a><br>
<br>
A[3] Bernd W. Kubbig : Has Missile Defense Up to Its Promises? State o
the Art, Transatlantic Relations and International Challenges, Berlin,
24 juin 2008.<br>
<br>
A[4] Center for Security Studies (CSS) : US-Raketenabwehr: Eine
strategische Herausforderung für Europa (La défense antimissiles
américaine, défi stratégique pour l’Europe) ; Analysen zur
Sicherheitspolitik n° 12, Zurich, avril 2007.<br>
<br>
<br>
<b>Remarques :</b><br>
<br>
[1] Alexander Bitter : Die NATO und die Raketenabwehr. Implikationen
für Deutschland vor dem Gipfel in Bukarest 2008, (L’OTAN et la défense
antimissiles. Implications pour l'Allemagne avant le Sommet de
Bucarest), étude de la Fondation Science et Politique (SWP), octobre
2007.<br>
<br>
[2] Le projet MEADS a été adopté par le Bundestag allemand en avril
2005 avec les voix du SPD, des Verts et de la CDU/CSU. Son efficacité
est contestée. D’après le plan de la Bundeswehr pour 2006, son coût
sera d’environ 3,8 milliards d’euros, alors que la Cour fédérale des
comptes l’estime à plus de 6 milliards d’euros. Cf. par ex. Bernd W.
Kubbig : Raketenabwehrsystem MEADS: Entscheidung getroffen, viele
Fragen offen (Système de défense antimissiles MEADS : la décision prise
laisse de nombreuses questions en suspens), Rapport 10/2005 de la HSFK
(Fondation d’irénologie et de conflictologie du Land de Hesse).<br>
<br>
[3] La société Science Applications International Corporation
(SAIC/USA) a été chargée de diriger le consortium dont font par
ailleurs partie Boeing (États-Unis), Diehl (Allemagne), EADS ST
(France), IABG (Allemagne), TNO (Pays-Bas), Raytheon (États-Unis),
Alenia Spazio (Italie) et Thalès (France).<br>
<br>
[4] Alexander Bitter: Die NATO und die Raketenabwehr … (L’OTAN et la
défense antimissiles … ). Tous les chiffres relatifs aux coûts de la
défense antimissiles européenne reposent sur des estimations
grossières, comme le concède dans son étude la Fondation Science et
Politique (SWP). D’autres scénarios encore considèrent que le total des
coûts sera de 50 milliards d’euros.<br>
<br>
[5] Déclaration du Sommet de Bucarest, 3 avril 2008, point 37.<br>
<br>
[6] Alexander Bitter : Die NATO und die Raketenabwehr … (L’OTAN et la défense antimissiles …).<br>
<br>
[7] Le Concept stratégique de l’Alliance, 24 avril 1999, point 62.<br>
<br>
[8] Cf. par ex. Marylia Kelley : Das Kernwaffenprogramm der USA: eine
Herausforderung für Abrüstungsbemühungen (Le programme nucléaire des
États-Unis : défi lancé aux efforts de désarmement), Wissenschaft und
Frieden n° 1/2005.<br>
<br>
[9] Cf. par ex. Jürgen Wagner : Vom Containment zur Pax Americana: Die
Nationale Sicherheitsstrategie der USA (De la politique d’endiguement à
la Pax Americana : la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis),
Sozialismus, novembre 2002.<br>
<br>
[10] Harald Müller, Annette Schaper : US-Nuklearpolitik nach dem Kalten
Krieg (La politique nucléaire des États-Unis après la guerre froide),
Rapport 3/2003 de la HSFK (Fondation d’irénologie et de conflictologie
du Land de Hesse).<br>
<br>
[11] Robert Kagan, William Kristol : The Present Danger in The National
Interest, n° 59, printemps 2000. Cité ici d’après Thomas Mitsch, Jürgen
Wagner : Erstschlag und Raketenabwehr: Die nukleare Dimension des neuen
Kalten Krieges und die Rolle der NATO (Première frappe et défense
antimissiles : la dimension nucléaire de la nouvelle guerre froide et
le rôle de l’OTAN ), AUSDRUCK – Das IMI-Magazin juin 2007.<br>
<br>
[12] Martin Deuerlein : Zwischen atomarer Abrüstung und atomarer
Aufrüstung: Die amerikanischen Programme für neue nukleare
Gefechtsköpfe (Entre armement et désarmement nucléaire : programmes
américains pour de nouvelles têtes nucléaires), papier de discussion du
Groupe de recherches politique de sécurité, Fondation Science et
Politique, novembre 2008.<br>
<br>
[13] Naumann, Klaus et al. : Towards a Grand Strategy for an Uncertain World: Renewing Transatlantic Partnership, <a href="http://www.worldsecuritynetwork.com/documents/3eproefGrandStrat%28b%29.pdf%3Cbr">http://www.worldsecuritynetwork.com/documents/3eproefGrandStrat(b).pdf<br>
</a> />
<br>
[14] Markus Frenzel : Einsatzoption Atombombe? (La bombe atomique, une
option envisageable ?), magazine de l’ARD « Fakt » du 21 avril 2008,
manuscript de l’émission <a href="http://ww.mdr.de/fakt/5443020.html%3Cbr">http://ww.mdr.de/fakt/5443020.html<br></a> />
<br>
[15] Ibid.<br>
<br>
[16] Traynor, Ian : Pre-emptive nuclear strike a key option, Nato told in Brussels, The Guardian, 22 janvier 2008.<br>
<br>
[17] Le Canard Enchaîné : Les minibombes nucléaires à l’ordre du jour du Sommet, DPA, 2 avril 2008.<br>
<br>
[18] Fondation Konrad-Adenauer : Raketenabwehr in Europa – die
Diskussion in den USA, Tschechien, Polen und Russland (Défense
antimissiles en Europe – Le débat aux États-Unis, en République
tchèque, en Pologne et en Russie), papier de discussion, août 2007.<br>
<br>
[19] Gerhard Mangott, Martin Senn : Rückkehr zum Kalten Krieg? Das
russländisch-amerikanische Zerwürfnis über die Raketenabwehr in
Osteuropa, (Retour à la guerre froide ? La dissension russo-américaine
à propos de la défense antimissiles en Europe de l’Est), IPG 3/2007.<br>
<br>
[20] Frank Elbe, Ulrich Weisser : Der Raketenstreit wächst sich zu
einer internationalen Krise aus (La querelle des missiles dégénère en
crise internationale), DGAP-Standpunkt (Publication de la Deutsche
Gesellschaft für Auswärtige Politik e.V.), juin 2007.<br>
<br>
[21] Keir A. Lieber, Daryl G. Press : The Rise of U.S. Nuclear Primacy, Foreign Affairs, mars/avril 2006.<br>
<br>
[22] Götz Neuneck, Jürgen Altmann : US-Raketenabwehr – Ein Danaer-Geschenk für Europa und die Welt?<br>
<br>
(La défense antimissiles américaine, cadeau empoisonné pour l’Europe et le pour monde ?), Wissenschaft und Frieden, n° 1/2008.<br>
<br>
[23] Wolfgang Kötter : Großer Lauschangriff auf den russischen Bären (L’Ours russe sur table d’écoutes), Freitag n° 43/2007.<br>
<br>
[24] Ibid.<br>
<br>
[25] Gerhard Mangott, Martin Senn : Rückkehr zum Kalten Krieg … (Retour à la guerre froide …).<br>
<br>
[26] Spiegel online, 2 avril 2007.<br>
<br>
[27] Gerhard Mangott, Martin Senn : Rückkehr zum Kalten Krieg … (Retour à la guerre froide …).<br>
<br>
[28] Ibid.<br>
<br>
[29] Ibid.<br>
<br>
[30] La décision prise par l’OTAN le 12 décembre 1979 se solda par le
déploiement en Allemagne de 108 missiles nucléaires Pershing-2 de
moyenne portée. En réduisant à cinq minutes la durée du vol jusqu’à
Moscou, c.&#8209;à&#8209;d. pratiquement sans délai d’alerte et
sans concertation possible en cas de mise à feu accidentelle, ces
missiles de moyenne portée faisaient planer une menace stratégique sur
l’Union soviétique.<br>
<br>
[31] Restitution intégrale du discours de Poutine à Munich, RIA Novosti, 13 février 2007,<br>
<br>
<a href="http://de.rian.ru/analysis/20070213/60672011.html%3Cbr">http://de.rian.ru/analysis/20070213/60672011.html<br></a> />
<br>
[32] RIA Novosti, 5 novembre 2008.<br>
<br>
[33] Neue Zürcher Zeitung, 14 mars 2007.<br>
<br>
[34] Le ministre de la Défense Franz Josef dresse un bilan
intermédiaire positif pendant sa visite en Pologne, Ministère fédéral
de la Défense, communiqué de presse, 20 mai 2008.<br>
<br>
[35] RIA Novosti, 8 décembre 2008.<br>
<br>
[36] Thomas Mitsch, Jürgen Wagner : Erstschlag und Raketenabwehr... (Première frappe et défense antimissiles...).<br>
<br>
[37] Newsletter Défense, n° 13/semaine 44, 28 octobre 2008, <a href="http://www.gdm-verlag.de/frames/books/books.htm">www.gdm-verlag.de/frames/books/books.htm</a><br>
<br>
[38] Op. cit.<br>
<br>
[39] Harald Müller, Annette Schaper : US-Nuklearpolitik nach dem Kalten
Krieg... (La politique nucléaire des États-Unis après la guerre froide
…).<br>
<br>
[40] Richard Herzinger : Amerikas erneuerter Missionsauftrag (Mission
renouvelée pour l’Amérique), Welt am Sonntag, 9 novembre 2008.<br>
<br>
[41] Junge Welt, 12 décembre 2008.<br>
                                 <br><br>
                                 Arno Neuber                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">La domination mondiale par le contrôle des flux                                 </font></b></font>
                                 <br><br><br>
                                 <b><font class="txt2">Le rôle de l’OTAN dans la militarisation des migrations</font></b><br><br>                                        <br>
                                  <i>Ce
texte éclaire divers aspects qui, dans la stratégie de l’OTAN,
restreignent la liberté de circulation des personnes et contribuent à
une militarisation des régimes des États frontières tout autour du
globe. L’auteur entend se démarquer de quelques notions utilisées dans
ce contexte et méprisantes pour l’Homme, telles que « flux migratoires
», « Youth Bulge » (poussée démographique de la jeunesse) et « Surplus
Population » (population surnuméraire). Ces notions ne sont pas de
nature à décrire comme il convient les décisions individuelles, les
situations de détresse ou leurs conséquences – sauf à vouloir dominer
le monde et, pour ce faire, analyser les tendances démographiques à
l’échelle continentale comme le fait l’OTAN.</i><br>
<br>
<br>
<b>L’opération Active Endeavour</b><br>
<br>
Juste après les attentats du 11 septembre 2001 et pour la première fois
dans son histoire, l’OTAN mettait en œuvre la clause de défense
mutuelle et du même coup se lançait effectivement dans une guerre
contre un ennemi invisible et abstrait, le terrorisme international.
L’un des aspects de cette guerre globale consiste pour l’OTAN à
déployer sa flotte méditerranéenne qui, depuis lors, patrouille en
Méditerranée dans le cadre de l’opération Active Endeavour pour
surveiller la navigation commerciale. Jusqu’en novembre 2007, 88 590
navires ont été contactés, 488 accompagnés et 125 contrôlés dans le
cadre de cette mission. Une vidéo de propagande de l’OTAN intitulée «
Defence Against Terrorism » illustre le déroulement de ces inspections
: plusieurs navires de guerre font mouvement vers l’objet ciblé – un
pétrolier en l’occurrence –, survolé par des hélicoptères embarquant
des mitrailleuses et leurs serveurs. Le navire est contacté par radio
et interrogé sur sa provenance, son chargement et sa destination. Ces
indications sont rapprochées des données de l’« intelligence network »
de l’OTAN. Des inspections sont effectuées en cas d’incohérences, mais
aussi sur un principe aléatoire. L’équipage doit se rassembler sur le
pont, des soldats de l’OTAN vêtus de gilets pare-balles embarquent sur
des pneumatiques et montent à bord du navire en pointant leurs armes.
Ils jettent un coup d’œil sur les journaux de bord et le chargement,
arpentent les couloirs et les salles du pétrolier. De tels contrôles en
mer ne sont admissibles qu’en état de guerre, effectivement proclamé en
Méditerranée lorsque l’OTAN a fait jouer le mécanisme de solidarité
militaire, aujourd'hui encore en vigueur. Officiellement, l’opération
Active Endeavour a pour but d’empêcher l’irruption de terroristes en
Europe, mais surtout d’armes et de substances de combat transitant par
la Méditerranée. En outre, ces contrôles comportent des recherches «
non spécifiques ». Les soldats cherchent à se faire une image du navire
et sont attentifs à tout ce qui est suspect. « Jusqu’ici, toutes les
inspections se sont avérées négatives », est-il dit dans le film, « en
d’autres termes, nous n’avons jamais découvert d’armes ou de matériel
suspect ». Sans qu’il faille toutefois sous-estimer l’effet préventif
de l’opération. Ce déploiement militaire en Méditerranée vise à
intimider les équipages des navires et à les contraindre à une
obéissance obséquieuse. Ce qui implique notamment d’inspecter le
chargement avec minutie, de se montrer intraitable envers les passagers
clandestins et, dans le doute, de ne pas secourir des réfugiés sur une
embarcation en perdition. En effet, le sauvetage de naufragés en
Méditerranée a déjà entraîné plusieurs plaintes contre les équipages
des navires. Du moins l’ambassadrice des États-Unis à Malte
tente-t-elle d’accréditer l’efficacité de la militarisation de la
Méditerranée – l’une des plus importantes frontières extérieures de
l’UE et un espace séparant les deux rives d’un des plus importants
différentiels de richesse au monde – comme faisant partie d’une
stratégie de retranchement de l’UE à l’encontre de migrants
indésirables. L’opération Active Endeavour aurait un « effet secondaire
utile » : « Dans la partie occidentale de la Méditerranée, là où a
débuté la mission, les migrations clandestines ont été réduites de 50
%. »[1] Il est toutefois douteux d’y voir la principale raison d’être
de l’opération, qu’il faut davantage rechercher dans un objectif à long
terme : maîtriser militairement les flux de marchandises,
d’informations et de personnes qui, aux yeux des stratèges de l’OTAN,
constituent essentiellement le monde globalisé qu’il s’agit ainsi de
dominer. Le terrorisme est actuellement le principal prétexte avancé
pour justifier cet objectif – en Méditerranée et ailleurs.<br>
<br>
<br>
<b>Une Afrique hérissée de frontières</b><br>
<br>
De même, c’est largement par hasard que l’OTAN, qui avait initialement
choisi la Mauritanie pour effectuer ses premières manœuvres officielles
en Afrique en 2006 (Steadfast Jaguar), s’est rabattue sur les îles
Cap-Vert, d’où le nombre de réfugiés embarqués vers les Canaries avait
peu avant monté en flèche en raison précisément du verrouillage
progressif de la Méditerranée. L’intérêt de l’OTAN pour la côte
ouest-africaine est en premier lieu motivé par les ressources
naturelles qui s’y trouvent et par les terminaux des oléoducs du
Nigéria et de la République centrafricaine.[2] La côte du Nigéria en
particulier est vue comme un « point chaud » de la piraterie, et des
escadres navales internationales ont donc pour mission de mieux la
contrôler pour garantir un approvisionnement sûr et bon marché du
Premier Monde en pétrole du Tiers-Monde. Mais là encore, on risque
d’interpréter trop étroitement les intérêts de l’OTAN en ne pensant
qu’au pétrole. Un an plus tard, en juillet 2007, une partie de la
flotte méditerranéenne de l’OTAN a contourné toute l’Afrique pour «
démontrer la capacité de l’OTAN à garantir la sécurité et le droit
international en haute mer. »[3] La flotte a longé la côte
ouest-africaine, affirmé visiblement sa présence dans le delta du Niger
puis filé vers l’Afrique du Sud pour un exercice conjoint avec la
marine de ce pays. Enfin, les navires de guerre ont visité les
Seychelles, et avant de regagner la Méditerranée par le canal de Suez,
ils ont effectué des manœuvres au large de la Somalie – où d’ailleurs
des bâtiments de l’OTAN croisent en permanence, depuis 2001 là aussi,
dans le cadre de l’opération Enduring Freedom.<br>
<br>
Par ailleurs, dans le cadre de l’initiative « Africa Partnership
Station » lancée par la marine des Etats-Unis, des navires de guerre
américains font régulièrement escale dans des ports d’Afrique
occidentale pour effectuer des exercices conjoints ou dispenser des
formations aux garde-côte et aux marines respectives. Cette initiative
vise à « améliorer l’aptitude des nations participantes à étendre à la
mer le règne du droit et à mieux combattre la pêche illégale, la traite
d’êtres humains, le trafic de drogue, le vol de pétrole et la piraterie
».[4] Bien que ces missions soient strictement américaines a priori,
les forces des États-Unis empruntent presque toujours les bases de
l’OTAN en Europe pour opérer en Afrique, nombre de bâtiments engagés y
ont leur port d’attache et font temporairement partie d’escadres de
l’OTAN. L’UE aussi est militairement active en Afrique occidentale et
souhaite élargir son engagement, jusqu’ici limité à la Guinée-Bissau.
Elle motive son action par le trafic de drogue qui partirait de cette
région et par le peu de fiabilité des forces de sécurité. En réformant
les polices et les armées des pays concernés, en installant sa propre
technologie de surveillance, elle aspire à mieux surveiller les ports
et les aéroports.[5] En effet, les carrefours internationaux qui ne
sont pas sujets à son propre contrôle sont perçus comme une menace en
soi pour la sécurité européenne.<br>
<br>
Hormis l’endiguement des migrations, la lutte contre la drogue est un
autre but poursuivi par le projet espagnol Sea Horse Network. Il
consiste pour l’essentiel à transmettre aux organes de sécurité
intéressés des photographies de la côte ouest-africaine prises en temps
réel par des satellites européens, mais il comprend aussi des
programmes de formation des forces de sécurité engagées dans la gestion
des frontières.[6] Les États-Unis projettent dans presque tous les
États africains des programmes similaires placés sous le signe du
contre-terrorisme. La sécurisation des frontières en Afrique est
considérée comme l’instrument majeur de la guerre contre le terrorisme.
Serait-ce simplement parce qu’en soi les États dits « en échec »
passent pour être un repaire et une base de repli de terroristes, la
plaque tournante d’armes (de destruction massive), et parce que le
contrôle de ses propres frontières, du point de vue de l’Occident, est
l’un des attributs essentiels de l’étatité. Mais aussi parce des
analyses semblent avoir montré que des États très instables offraient
certes des possibilités de financement et de recrutement à des groupes
terroristes dont les réseaux doivent toutefois s’appuyer sur un minimum
d’infrastructure (et donc sur des États un peu plus stables) pour
opérer à l’échelle internationale. C’est pourquoi une grande importance
est également reconnue aux frontières intérieures africaines.[7] Quoi
qu’il en soit, les franchissements incontrôlés des frontières, ce qui
est la normale entre nombre de pays africains, sont perçus comme une
menace. Il s’agit donc d’y faire obstacle grâce à des programmes tels
que la Pan Sahel Initiative (PSI, rebaptisée par la suite Trans-Sahara
Counter Terrorism Initiative – TSCTI) dans le cadre de laquelle le
Tchad, le Niger, le Mali et la Maurétanie ont reçu des formations et
des équipements pour la protection des frontières.[8] Par là-même, les
États-Unis vont au-devant de l’Union européenne qui, dans les mêmes
pays et en particulier en Afrique du Nord, s’efforce de boucler les
frontières interafricaines pour les migrants potentiels vers l’UE. Les
initiatives américaines, tout d’abord dirigées de Stuttgart par le
Commandement européen de l’armée américaine (EUCOM), le sont désormais
par l’AfriCom (Centre de commandement militaire des Etats-Unis pour
l'Afrique), basé auprès de l’EUCOM et tout aussi étroitement imbriqué
dans l’OTAN.<br>
<br>
<br>
<b>Une Eurasie hérissée de frontières</b><br>
<br>
En tout état de cause, l’OTAN a fait sienne, dans le cadre de son
programme « Partnership for Peace » (PfP), l’argumentation esquissée
ci-dessus : « Les frontières sont une des premières lignes de défense
contre le terrorisme. »[9] Conçu en 1994 pour des candidats potentiels
à l’adhésion dans les Balkans et la Baltique, cet instrument sert
pourtant aujourd'hui à l’OTAN de levier d’influence jusque dans les
profondeurs de l’espace asiatique. Dans le cadre du PfP, l’OTAN pousse
ses partenaires – même les États qui ne pourront jamais en devenir
membres – à remodeler leur secteur de sécurité et donc la protection de
leurs frontières conformément à ses propres vues, ainsi qu’à coopérer
avec des organisations internationales comme l’International
Organization for Migration (IOM) ou Interpol. Le module du PfP chargé
de lutter contre le terrorisme (PAP-T) prévoit l’échange d’informations
entre services secrets sur la criminalité et les transferts de fonds
transnationaux, ainsi que la formation et l’équipement des autorités
nationales de protection des frontières. L’École de l’OTAN
d’Oberammergau ainsi que les centres de formation du PfP en Grèce et en
Turquie proposent des cours sur la « sécurisation des frontières » qui,
de manière explicite, portent aussi sur les moyens de faire obstacle
aux migrations « clandestines ».[10] De même, le Centre européen George
C. Marshall de l’OTAN à Garmisch organisait par exemple, en avril 2007,
une conférence de cinq jours sur l’échange de best practices dans la
protection des frontières, avec la participation de représentants de 26
membres de l’OTAN et États partenaires.[11] De plus, l’OTAN organise
l’échange d’informations sur les itinéraires migratoires, entre
partenaires réciproquement et avec des organisations internationales.
Elle prend ainsi une part directe dans l’aménagement du régime
politique de pays frontières tels que la Moldavie, mais aussi le
Tadjikistan, l’Ousbékistan et l’Azerbaïdjan. En Asie centrale, la «
sécurisation des frontières » est l’un des points forts de son
action.[12] Interrogé sur les futures missions de l’OTAN, Peter W.
Singer de la Brookings Institution répondit en mentionnant notamment
l’expérience acquise par l’Alliance en exportant la sécurisation des
frontières dans les Balkans et en Asie centrale. L’OTAN ne doit pas se
restreindre aux fonctions militaires classiques, mais au contraire
assurer aussi davantage de « nouvelles fonctions de sécurité ».[13]<br>
<br>
En matière de gestion des frontières, l’OTAN a effectivement accumulé
dans les Balkans une expérience considérable, quoique pas toujours
glorieuse. Tous les États des Balkans (à l’exception du Kosovo) sont ou
ont été partenaires du programme PfP, ils ont conformé leur secteur de
sécurité, protection des frontières comprise, aux attentes de l’OTAN,
ou sont en train de le faire. Au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine,
l’OTAN a elle-même assuré dans l’intervalle la protection des
frontières dans le cadre de missions militaires d’occupation, puis a
participé directement à la mise sur pied d’unités de protection des
frontières constituées de personnels locaux. De concert avec l’UE et
l’OSCE, elle a par ailleurs engagé le processus d’Ohrid en 2003 pour
mieux sécuriser les frontières, améliorer la coopération entre les
garde-frontière des États des Balkans occidentaux et adapter leurs
régimes de migration aux exigences de l’UE.<br>
<br>
De même, l’OTAN est impliquée dans un durcissement et une
militarisation de la surveillance des frontières dans la région de la
mer Noire qui, selon les dires d’Ilkka Laitinen, le directeur de
Frontex, est un des points chauds des migrations clandestines et un
futur champ d’action de cette Agence européenne pour la gestion de la
coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres
de l'UE[14]. De même, l’OTAN attache à cette région une énorme
importance stratégique, non seulement parce que sa propre zone
d’influence confine ici à celle de la Russie et que les exutoires de
plusieurs oléoducs se situent en mer Noire, mais aussi parce que l’OTAN
considère la mer Noire comme une zone par laquelle transitent sans
contrôle des personnes, des armes et des stupéfiants – en particulier à
partir de l’Afghanistan. Raison pour laquelle elle entendait étendre à
cette région son engagement Active Endeavour décrit ci-dessus, mais
elle a échoué sur l’opposition de la Russie et de la Turquie. Au lieu
de cela, ces deux pays ont entamé leur propre opération, Black Sea
Harmony, sur le modèle de Active Endeavour.[15] Auparavant, ils avaient
aussi participé, du moins passagèrement, à l’opération méditerranéenne
de l’OTAN pour en étudier les pratiques.<br>
<br>
De concert avec le quartier général des États-Unis pour l’Eurasie et
l’UE, l’OTAN élabore en outre une stratégie la mettant à même
d’intervenir dans les coopérations de sécurité dans l’espace de la mer
Noire. Deux initiatives méritent une mention particulière : au sein de
la SECI (Southeast European Cooperation Initiative) basée à Bucarest,
24 fonctionnaires des douanes et des polices de tous les États
balkaniques, de Hongrie et de Moldavie travaillent ensemble sous la «
conduite et l’assistance » d’Interpol et de l’Organisation douanière
mondiale. Cette coopération s’est par exemple soldée en 2004 par
l’arrestation de 500 « passeurs ». Au siège du Black Sea Border
Coordination and Information Center (BBCIC) établi en Bulgarie, les
garde-côte de six pays riverains de la mer Noire échangent des
informations presque quotidiennes. L’OTAN escompte désormais renforcer
ces deux centres situés sur le territoire de deux de ses membres et
inciter d’autres États riverains à adhérer par les techniques évoluées
de renseignement qu’elle pourrait leur fournir. Les États-Unis
envisagent, par le déploiement de drones et la transmission de
renseignements, de peser notamment sur la politique ordonnatrice de la
Russie en mer Noire.[16]<br>
<br>
<br>
<b>Les migrations, traduction d’une politique sociale indigente</b><br>
<br>
Que ce soit en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo :
partout où l’OTAN a procédé à des occupations militaires et participé à
la construction de nouveaux États, elle était avant tout guidée par des
aspects sécuritaires ou des intérêts stratégiques. Économiquement
parlant, ces États ont été édifiés sur une idéologie strictement
néolibérale. La mise en place de systèmes de prévention sociale a été
sciemment ignorée dans l’espoir d’attirer des investissements étrangers
directs, lesquels pourtant se souvent fait vainement attendre ou ont pu
rapatrier les bénéfices vers l’étranger dans une proportion de presque
100 %.[17] Dans le même temps, des milliards étaient investis dans la
mise sur pied de nouvelles polices, armées et unités de
garde-frontière. Conséquence, des catégories de population paupérisées
et sans perspective aucune sont d’autant plus vulnérables aux
idéologies révolutionnaires de tout type, contraintes de gagner leur
pain dans le secteur informel ou criminel, ce qui par ricochet requiert
à long terme une pacification militaire. Le Kosovo est sans doute
l’exemple le plus flagrant d’un État né des bombardements effectués par
l’OTAN pour faire prévaloir ses propres intérêts géopolitiques, mais ne
pouvant survivre économiquement, dont le taux de chômage des jeunes
s’élève à 75 % et le taux de pauvreté officiel à 40 % de la
population.[18] La communauté internationale a depuis longtemps
abandonné l’espoir d’un développement économique pouvant répondre à la
forte croissance démographique. Même la transformation du lignite en
électricité – « unique potentiel économique » du Kosovo – ne pourrait
générer dans des meilleures conditions qu’un maximum de 20 à 30 000
emplois par an, alors que 36 000 jeunes sont lâchés année après année
sur le marché du travail. « Pression migratoire », jusqu’ici contenue
militairement, notamment par les mesures décrites ci-dessus. Mais en
2007, l’Institut de politique européenne, s’appuyant sur des
informations des services secrets, mettait en garde contre des «
soulèvements de type révolutionnaire » provoqués dans les années à
venir par cette détresse économique. Dans les années passées, certaines
voix se sont donc élevées pour faire valoir des raisons de sécurité et
réclamer l’attribution facilitée de visas à de jeunes Kosovars qui
pourraient alors travailler à l’étranger et venir en aide à leurs
familles par l’envoi de devises. Toutefois, le Centrum für Angewandte
Politikforschung (CAP) mettait les choses au point : « Cela suppose
l’application effective d’accords de rapatriement du côté des États
occidentaux des Balkans ».[19]<br>
<br>
<br>
<b>Le péril démographique</b><br>
<br>
La composition de la population a désormais fait son entrée dans les
analyses des risques et les stratégies de sécurité occidentales. Une
menace très sérieuse est vue dans le « Youth Bulge » [20], terme
désignant une proportion particulièrement forte de jeunes (hommes) dans
la population totale, survenant notamment quand l’espérance de vie
augmente grâce à l’amélioration des conditions d’hygiène ou des soins
médicaux, alors que le taux de natalité d’une société ne diminue pas en
proportion, ce qui est le cas de nombreux pays arabes. Si les
politiques n’ont pas la volonté ou la capacité – par exemple du fait
d’une faible conjoncture ou de programmes d’ajustement néolibéral – de
développer les infrastructures publiques en conséquence (jardins
d’enfants, écoles, construction de logements, équipements sociaux), il
y a un risque d’apparition d’une « Surplus Population » [21], d’une
population surnuméraire. « Demographic trends affect urbanisation,
crime and terrorism » – les évolutions démographiques ont une incidence
sur l’urbanisation, la criminalité et le terrorisme.[22] Raison pour
laquelle même des officiers de haut rang de l’OTAN, dans leur
proposition pour une nouvelle stratégie de l’OTAN, identifient la «
démographie » – « croissance et évolutions de la population autour de
la planète » – comme le premier de six « principal challenges », ou
défis fondamentaux posés à la « communauté globale ». Les risques ne
sont pas seulement liés à la croissance de la population dans le monde
arabe et en Afrique, mais aussi à la contraction et au vieillissement
démographiques de l’Europe ; « la Russie devra [en raison du recul
démographique] lutter davantage pour la maîtrise de ses immenses
territoires ».<br>
<br>
<br>
<b>La domination mondiale par voie d’interdiction</b><br>
<br>
Globalement, les auteurs du projet stratégique de l’OTAN brossent un
sombre tableau d’une mondialisation qui a généré « une complexité
au-delà de la prévisibilité » et précisément des menaces de même
nature. « Être préparé à l’imprévisible sera l’un des défis majeurs des
prochaines années. » Et aucun pays n’est jugé capable de répondre seul
à ces défis. Il s’agit donc de faire de l’OTAN renouvelée une «
Alliance de démocraties » instaurant « une vaste zone commune de
sécurité collective entre la Finlande et l’Alaska », institution le
mieux à même de former le noyau d’une future « architecture de sécurité
» globale.[23]<br>
<br>
Cette prétention à dominer le monde s’exprime d’abord (et
traditionnellement) par l’activité de la marine de l’OTAN qui cherche à
contrôler durablement les principaux goulets d’étranglement du commerce
international en mer et dans un ensemble multinational.[24]
L’interdiction, « c.&#8209;à&#8209;d. le contrôle et
l’interruption de la circulation des personnes et des marchandises
»[25] à grande échelle, est la mission classique de la marine. Dans un
univers globalisé et gros de périls imprévisibles (catastrophes
climatiques, épidémies, émeutes, exodes ou grèves) et qui de surcroît a
déclaré la guerre au terrorisme, il ne suffit toutefois pas de
contrôler les navires containers. Toute protection d’usine et tout
poste frontière fait alors partie de l’architecture de sécurité. De
l’avis de stratèges militaires, l’interdiction est donc l’une des
missions essentielles de futures forces armées.<br>
<br>
Pourtant, les armées de l’OTAN ne peuvent ni ne doivent surveiller
chaque poste frontière et chaque tronçon côtier (des forces « plus
civiles » convenant d’ailleurs mieux pour aborder des bateaux de pêche,
des navettes et des touristes) ; mais il leur faut veiller à ce que les
contrôles aient effectivement lieu et en influencer les modalités.
Ainsi, l’OTAN affiche sa présence au large de l’Afrique occidentale,
tandis que les États-Unis et l’UE y forment des gendarmeries. C’est
pourquoi l’OTAN appuie des coopérations locales telles que la SECI et
le BBCIC, conseille des fonctionnaires des douanes d’Asie centrale et
d’Europe occidentale, contrôle des tankers en Méditerranée. En
parallèle, Frontex coordonne l’action de ses membres, des ministères de
la Défense, services secrets et garde-côte respectifs. Afin qu’aucun
cotre de pêche ne se risque plus à la traversée et qu’aucun pneumatique
ne débarque subrepticement en Europe.<br>
<br>
<br>
Remarques:<br>
<br>
[1] A Potential for growth, Vanessa Macdonald dans une interview de Molly Bordonaro, ambassadrice des États-Unis à Malte, <a href="http://malta.usembassy.gov/%3Cbr">http://malta.usembassy.gov/<br></a> />
<br>
[2] Martin Pabst : External Interests in West Africa in : Brigadier
Walter Feichtinger, Gerald Hainzl : Sorting Out the Mass - Wars,
Conflicts, and Conflict Management, Études et Rapports sur la politique
de sécurité par l’Académie autrichienne de Défense nationale, 1999.<br>
<br>
[3] NATO naval force sets sail for Africa, NATO-News du 30 juillet 2007.<br>
<br>
[4] <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Africa_Partnership_Station">http://en.wikipedia.org/wiki/Africa_Partnership_Station</a> (13 janvier 2009).<br>
<br>
[5] Christoph Marischka : Was kostet Guinea-Bissau? (Que coûte la
Guinée-Bissau ?), Telepolis du 13 juin 2008, et : EU plant weiteres
Engagement in Westafrika (L’UE prévoit d’élargir son engagement en
Afrique occidentale), kritische Online-AG Neue Kriege du 14 novembre
2008.<br>
<br>
[6] Indra will deploy a communications channel for information exchange
regarding illegal inmigration and drug trafficking, communiqué de
presse de l’entreprise Indra Sistemas S.A. du 9 mai 2008.<br>
<br>
[7] Jessica R. Piombo : Terrorism and U.S. Counter-Terrorism Programs
in Africa - An Overview, in : Strategic Insights, volume VI, 1ère
édition (janvier 2007).<br>
<br>
[8] Ibid. Concernant les programmes et les coopérations menés par les
États-Unis dans presque tous les pays de la Terre pour lutter contre
les stupéfiants, le document suivant en donne un précieux aperçu : US
Department of State: International Narcotics Control Strategy Report
2008, <a href="http://www.state.gov/documents/organization/102583.pdf%3Cbr">http://www.state.gov/documents/organization/102583.pdf<br></a> />
<br>
[9] The Partnership Action Plan against Terrorism - How does cooperation work in practice? Nato-Topics du 30 janvier 2008.<br>
<br>
[10] Ibid.<br>
<br>
[11] Marshall Center border security conference focuses on best
practices, communiqué de presse du George C. Marshall European Center
for Security Studies d’avril 2008.<br>
<br>
[12] Alexander Catranis: NATO's Role in Central Asia, in: Central Asia and the Caucasus 5/2005.<br>
<br>
[13] New Thinking on Transatlantic Security: Terrorism, NATO, and
Beyond, discours de Peter W. Singer lors du « Workshop on Transatlantic
Challenges » de la Fondation BMW Herbert Quandt le 26 novembre 2002.<br>
<br>
[14] Déclaration d’Ilkka Laitinen pendant une manifestation de la
Commission européenne au « Europäisches Haus » de Berlin le 19 mai 2008.<br>
<br>
[15] Eugene Rumer / Jeffrey Simon : A Euro-Atlantic Strategy for the
Black Sea Region, National Defense University / Institute for National
Strategic Studies Staff Analysis, janvier 2006.<br>
<br>
[16] Ibid.<br>
<br>
[17] Concernant en particulier l’exemple de l’Afghanistan, cf. Jürgen
Wagner : Neoliberaler Kolonialismus - Protektorate, Aufstandsbekämpfung
und die westliche Kriegspolitik (Colonialisme néolibéral -
Protectorats, répression des soulèvements et politique de guerre
occidentale), in : Widerspruch 53 - Weltordnung, Kriege und Sicherheit.<br>
<br>
[18] Institut für Europäische Politik (IEP) : Operationalisierung von
Security Sector Reform (SSR) auf dem westlichen Balkan
(Opérationnalisation de la Security Sector Reform (SSR) dans les
Balkans occidentaux), janvier 2007.<br>
<br>
[19] Dominik Tolksdorf : Der westliche Balkan nach dem
Ahtisaari-Vorschlag - Handlungsfelder auf dem Weg in die EU (Les
Balkans occidentaux après la proposition d’Ahtisaari – Champs d’action
sur la voie vers l’UE), Fondation Bertelsmann / CAP : Reform-Spotlight
1/2001.<br>
<br>
[20] US Departement of the Army: Army Modernization Strategy 2008, <a href="http://downloads.army.mil/docs/08modplan/Army_Mod_Strat_2008.pdf%3Cbr">http://downloads.army.mil/docs/08modplan/Army_Mod_Strat_2008.pdf<br></a> />
<br>
[21] Cette notion provient du Rapport du Programme UN-HABITAT « The
Challenge of Slums » de 2003. Elle a été reprise de manière critique
par Mike Davis dans Planet of Slums (Verso, 2006). Dans un genre
comparable : Zygmunt Bauman : Wasted Lives - Modernity and Its
Outcasts, Polity Press, 2004.<br>
<br>
[22] Général en retraite Klaus Naumann, entre autres : Towards a Grand
Strategy for an Uncertain World: Renewing Transatlantic Partnership, <a href="http://www.csis.org/media/csis/events/080110_grand_strategy.pdf%3Cbr">http://www.csis.org/media/csis/events/080110_grand_strategy.pdf<br></a> />
<br>
[23] Ibid.<br>
<br>
[24] Lothar Rühl : Nicht nur eine Definitionsfrage - deutsche
Sicherheitsinteressen in Afghanistan (Plus qu’une question de
définition – Intérêts de sécurité allemands en Afghanistan) in :
Strategie & Technik 50 (2007).<br>
<br>
[25] Stephan Böckenförde : Sicherheitspolitischer Paradigmenwechsel von
Verteidigung zu Schutz (Changement de paradigme dans la politique de
sécurité, de la défense à la protection) in : Europäische Sicherheit,
août 2007.<br>
                                 <br><br>
                                 Christoph Marischka                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><b><font class="ue1" size="4">Ban Ki-moon ou la soumission de l’ONU à l’OTAN                                 </font><br>
<br><br><font class="txt2">Le Secrétaire général de l’ONU encense l’OTAN – en secret et en solo</font></b>
                                
                                 <br><br>                                        <br>
À l’insu de la plupart des observateurs et ignorant des structures des
Nations unies, le Secrétaire général de l’Organisation, M. Ban Ki-moon,
a signé un accord avec l’OTAN dès le 23 septembre 2008. Apparemment peu
fières de ce document d’une page, les Nations unies l’ont à ce jour
gardé secret. Des fuites ont toutefois porté sa substance à la
connaissance du public, déclenchant de vives critiques, en particulier
à l’encontre du Secrétaire général.<br>
<br>
« Le Secrétaire général des Nations Unies et le Secrétaire général de
l’Organisation du Traité, se félicitant de plus d’une décennie de
coopération entre l’ONU et l’OTAN à l’appui des travaux des Nations
Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde... »
C’est par ces mots que débute la déclaration commune. Les États-Unis,
la France et la Grande-Bretagne, tous trois membres permanents du
Conseil de sécurité, auraient poussé Ban Ki-moon à signer le document.
Quant à la Russie, elle aussi membre permanent dudit Conseil et seul
ennemi dont l’OTAN puisse somme toute encore se prévaloir, elle a eu
vent de l’accord en question avant sa signature et a pressé le
Secrétaire général de s’expliquer. Elle n’a toutefois reçu que des
réponses évasives.[1] Après la signature, Sergueï Lavrov, ministre
russe des affaires étrangères, a eu des propos critiques à l’encontre
de M. Ban Ki-moon : « De tels accords ne devraient pas être signés
avant d’avoir été portés à la connaissance de l’ensemble des États
membres. Cela n’a pas été le cas en l’occurrence et cet accord a été
signé en secret par les deux Secrétariats généraux. »[2] Alfred de
Zayas, ancien secrétaire de la commission des droits de l’homme des
Nations unies, a jugé pour sa part qu’il s’agissait à l’évidence « d’un
affront à la Chine et à la Russie, ainsi qu’au bloc des États non
alignés »,[3] ajoutant que le Secrétaire général avait outrepassé ses
compétences et fait des Nations unies une organisation définitivement
partisane. À ses yeux, c’est précisément cette partialité, dont l’ONU a
déjà fait montre dans le passé, qui serait à l’origine, entre autres
choses, de la mort en Iraq de nombreux collaborateurs de
l’Organisation, « que les Iraquiens ont perçu – et perçoivent
probablement encore – comme le bras impérialiste de l’OTAN. »[4]<br>
<br>
<br>
<b>Une alliance militaire dotée de la force de frappe nucléaire peut-elle être garante de la paix ?</b><br>
<br>
La présidence de la Transnational Foundation for Peace and Future
Research (TFF) a formulé une critique similaire et jugé qu’un tel
accord compliquerait plus encore la distinction entre interventions de
l’OTAN et opérations de l’ONU. En conférant ainsi à l’OTAN un « statut
particulier », les Nations unies pourraient se voir à l’avenir dans
l’impossibilité quasi complète de reprocher à l’Alliance, qui occupe
trois des cinq sièges permanents au Conseil de sécurité, une quelconque
violation du droit international. Par ailleurs, cette fondation qui
défend la paix dans le monde se demande comment l’ONU pourra encore,
après la conclusion d’un accord aussi étroit, défendre ses objectifs de
désarmement global et d’élimination des armes nucléaires, dès lors que
les États membres de l’OTAN prennent à leur compte 70 % des dépenses
d’armement dans le monde et que cette organisation se réserve le droit
de répondre par des frappes nucléaires à des attaques conventionnelles.<br>
Qui plus est, l’accord entre ONU et OTAN aurait été conclu « d’égal à
égal ». Rappelons toutefois que l’OTAN est une alliance militaire dotée
de la force de frappe nucléaire, alors que l’ONU a pour objectif,
d’après l’article 1er de sa Charte, de « maintenir la paix et la
sécurité internationales et à cette fin [de] réaliser, par des moyens
pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit
international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de
situations [...] susceptibles de mener à une rupture de la paix. » La
TFF dénonce en outre le moment choisi pour signer un tel accord, alors
même que les États membres de l’OTAN sont actuellement « impliqués dans
plusieurs conflits très délicats – y compris pour les membres du
Conseil de sécurité », conflits au rang desquels figurent la crise
géorgienne ou la détérioration de la situation en Afghanistan.[5]<br>
<br>
<br>
<b>Les Nations unies, nouveau véhicule des États-Unis</b><br>
<br>
D’autres observateurs jugent par contre le moment « significatif » et y
voient un lien avec les élections américaines. Selon eux, M. Obama
souhaiterait lui aussi maintenir la prééminence de son pays sur la
scène internationale, mais préférerait, plutôt que d’ignorer les
Nations unies comme l’avait fait son prédécesseur George W. Bush,
instrumentaliser l’Organisation. C’est ainsi que l’on trouve de
nombreux « théoriciens de l’intervention humanitaire »[6] parmi les
conseillers en politique étrangère du nouveau président. L’invocation
du principe de « responsabilité de protéger » (Responsibility to
Protect), mis en avant lors du Sommet organisé à l’occasion des 60 ans
des Nations unies en vue d’en réformer les structures et explicitement
visé dans la déclaration ONU-OTAN, est un grand pas accompli sur la
voie d’une telle instrumentalisation. En énonçant cette «
responsabilité » - qui oscille entre définition et norme de droit
international –, certains États ont tenté de battre en brèche le
principe de souveraineté et l’interdiction d’ingérence qui en découle
et, partant, d’étayer par le droit international la volonté d’États et
d’alliances militaires de mener des guerres d’agression sous couvert de
motifs humanitaires. C’est de cette façon que l’OTAN a justifié sa
décision de bombarder, en 1999, ce qui restait de la Yougoslavie, en
violation du droit international.<br>
<br>
<br>
<b>L’exemple de l’UE</b><br>
<br>
Si l’on considère un accord très comparable signé presque jour pour
jour cinq ans auparavant (24 septembre 2003) entre l’UE et l’ONU, on ne
peut que craindre la prolifération future d’interventions menées par
l’OTAN sous son commandement propre mais avec un mandat de l’ONU.
L’accord signé à l’époque commençait de façon quasi identique:<br>
« Le Secrétaire général des Nations unies et la présidence du Conseil
de l’UE se félicitent de la coopération durable entre les Nations unies
et l’UE dans le domaine de la gestion civile et militaire des crises,
notamment dans les Balkans et en Afrique. »[7]<br>
L’accord signé avec l’OTAN évoquait la création d’ « un cadre pour une
consultation et une coopération élargie entre [les] secrétariats
respectifs » en vue de « développer davantage la coopération entre [les
deux] organisations sur des questions d’intérêt commun, en matière de
communication et de partage de l’information (tout en ne se limitant
pas à cela), y compris sur les questions relatives à la protection des
populations civiles, au renforcement des capacités, à la formation et
aux entraînements, aux enseignements tirés de l’expérience, à la
planification et au soutien en cas d’urgence, et à la coordination et
au soutien opérationnels. » Là aussi, le document signé cinq ans
auparavant avec l’UE renferme des formulations quasi identiques. À cet
égard, il importe de souligner le fait – préoccupant par rapport à
l’OTAN – que les termes de cet accord ne sont nullement restés lettre
morte. Suite à sa signature, l’UE et l’ONU ont mis sur pied un comité
de pilotage, auteur d’un « programme de mise en œuvre » dans lequel
l’UE vante ses compétences en matière de règlement des conflits et
avance des propositions portant sur la manière dont elle pourrait
intervenir dans le cadre d’opérations de l’ONU, voire compléter
l’action de celle-ci ou s’y substituer. L’UE a cependant également
précisé, durant ce processus, qu’elle n’entendait plus à l’avenir
placer des soldats sous commandement de l’ONU, mais tout au plus
intervenir elle-même – si une telle intervention répondait à ses
intérêts.[8] <br>
Cette étroite convergence entre UE et ONU a trouvé sa première
traduction deux ans plus tard environ, lorsque l’UE a décidé de
déployer, parallèlement à la MONUC, sa propre force d’intervention afin
d’assurer le bon déroulement des élections en République démocratique
du Congo. L’intervention au Tchad et en République centrafricaine,
mandatée par les Nations unies, a elle aussi été convenue de façon
passablement informelle entre les deux organisations. Depuis lors,
certaines voix prétendent à Bruxelles qu’en ce qui concerne l’Afrique
en tout cas, on peut rapidement obtenir un mandat d’intervention des
Nations unies pour peu qu’on en manifeste la volonté. Si cette
certitude semble quelque peu présomptueuse, elle n’en témoigne pas
moins clairement de la suffisance dont l’UE fait désormais elle aussi
montre vis-à-vis de l’ONU. Et il semble à tout le moins exact que l’UE
peut à tout moment obtenir du Secrétariat général de l’Organisation une
« invitation officielle » ou une « demande officielle » pour mener les
opérations militaires qu’elle souhaite mener. En tout cas, c’est
incontestablement ainsi qu’a été présenté, en novembre/décembre 2008,
un courrier de Ban Ki-moon au ministre belge des affaires étrangères,
courrier dont les partisans d’une nouvelle intervention de l’UE en
République démocratique du Congo ont fait un argument de poids.<br>
<br>
<br>
<b>Le couvert de l’ONU, la marionnette Ban Ki-moon</b><br>
<br>
Les deux déclarations ont par ailleurs pour point commun de faire fi de
la réalité ou de présenter une vision embellie des coopérations
antérieures. L’accord avec l’UE saluait l’engagement de cette dernière
dans les Balkans et au Congo, celui avec l’OTAN les missions de
l’Alliance en Bosnie et en Afghanistan. Autant de cas où l’ONU ne s’est
pas précisément couverte de gloire, en déléguant ses pouvoirs à l’UE et
à l’OTAN ou en légitimant a posteriori des guerres d’agression. Autant
de cas où tant l’UE en Afrique et dans les Balkans que l’OTAN dans les
Balkans et en Afghanistan sont parvenues à approfondir leur
constitution en alliances basées sur l’intervention militaire. Or, dans
le cas bosniaque, mais aussi partout en Afrique, on peut affirmer que
l’UE et les États membres de l’OTAN ont affaibli les Nations unies en
n’apportant qu’un soutien marginal aux missions menées par ces
dernières et en se contentant d’attendre d’être appelées pour éteindre
le brasier.<br>
L’accord récemment conclu avec l’OTAN menace d’entériner un peu plus
une coopération bien rôdée entre l’OTAN, l’UE et l’ONU: pendant que
l’ONU conduit elle-même des opérations de longue durée dans des régions
sans intérêt géostratégique, l’OTAN intervient – avec ou sans mandat de
l’ONU – là où elle entend faire valoir ses intérêts propres. Ensuite,
l’UE, mandatée par l’ONU, se charge de la stabilisation et déploie à
l’occasion en Afrique des missions comparables à des manœuvres pour
renforcer ses capacités en la matière. Pour toutes ces raisons, nombre
de collaborateurs et de défenseurs de l’ONU réclament aujourd’hui un
débat poussé et sans préjugé sur ce document toujours confidentiel et
critiquent vertement Ban Ki-moon. À très juste titre : par cet accord,
il porte atteinte à la neutralité et, partant, à la légitimité des
Nations unies et est de plus en plus perçu comme une marionnette des
États-Unis. Comme l’affirmait dès 2006 le ministère fédéral de la
défense dans son projet de livre blanc sur l’armée fédérale, les
Nations unies semblent à vrai dire ne plus avoir pour seule
justification singulière que de légitimer en droit international le
recours jugé nécessaire à la force armée.[9]<br>
<br>
<br>
Remarques:<br>
<br>
[1] UN and NATO sign Secret Military Cooperation Agreement in Violation
of UN Charter - Ban Ki-moon acting beyond his powers [L’ONU et l’OTAN
signent un accord secret de coopération militaire, en violation de la
Charte des Nations unies – Ban Ki-moon outrepasse ses pouvoirs], RIA
Novosti (9.10.2008)<br>
<br>
[2] "Russia stunned by UN-NATO cooperation deal" [La Russie choquée par
l’accord de coopération ONU-OTAN], RIA Novosti (9.10.2008)<br>
<br>
[3] Alfred de Zayas: Verstoss gegen Uno-Charta [Violation de la Charte des Nations unies], in: Zeit-Fragen Nr. 48.<br>
<br>
[4] Karl Müller: Geheimabkommen zwischen Uno und Nato kann nicht im
Sinne der Weltgemeinschaft sein [L’accord secret entre ONU et OTAN ne
peut servir les intérêts de la Communauté internationale], in:
Zeit-Fragen Nr. 48.<br>
<br>
[5] TFF PeaceTips du 3.12.2008: Breaking News... Secret UN-NATO
Cooperation Declaration [Dernières nouvelles… Déclaration secrète de
coopération ONU-OTAN]<br>
<br>
[6] Jürgen Wagner: Change We Can´t - Barack Obama, der Siegeszug der
"War-Democrats" und die Re-Vitalisierung der NATO [Change We Can’t -
Barack Obama ou la marche triomphale des « War-Democrats » et la
relance de l’OTAN], in: AUSDRUCK (décembre 2008)<br>
<br>
[7] Conseil de l’Union européenne: Joint Declaration on UN-EU
Co-operation in Crisis Management [Déclaration commune relative à la
coopération ONU-UE sur la gestion des crises] (CL03-310EN)<br>
<br>
[8] Christoph Marischka: Battlegroups mit UN-Mandat - Wie die Vereinten
Nationen die europäische Rekolonialisierung Afrikas unterstützen
[Groupes de combat sous mandat de l’ONU – Comment les Nations unies
soutiennent la recolonisation de l’Afrique par l’Europe], Studien zur
Militarisierung Europas [Études sur la militarisation de l’Europe]
31/2007<br>
<br>
[9] Martin Kutscha: Abschied von der Friedensstaatlichkeit? -
Stellungnahme zum Entwurf eines „Weißbuchs zur Sicherheitspolitik
Deutschlands und zur Zukunft der Bundeswehr“ vom 28.April 2006 [L’État
a-t-il renoncé à assurer la paix ? Avis sur le projet de livre blanc du
28 avril 2006 relatif à la politique de sécurité de l’Allemagne et à
l’avenir de l’armée fédérale]<br>
                                 <br><br>
                                 Christoph Marischka                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">La brigade franco-allemande à Müllheim                                  </font></b></font>
                                 <br><br><br>
                                                                         <br>
Lors du sommet franco-allemand de 1987, Helmut Kohl et François
Mitterrand s’accordèrent sur la création d’une unité militaire mixte,
la brigade franco-allemande. L’unité entra finalement en fonction en
1990 et transféra son état-major en 1992 à Müllheim, dans le
Bade-Wurtemberg. En 1993, la brigade fut intégrée à l’Eurocorps (ou
Corps européen), mis sur pied la même année. L’Eurocorps est un
détachement militaire multinationale comptant environ 60 000 soldats,
auquel participent l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Espagne et le
Luxembourg. Les 5 000 soldats environ de la brigade franco-allemande
sont stationnés dans trois garnisons différentes en Bade-Wurtemberg :
Donaueschingen, Immendingen et Müllheim. Müllheim est également le
siège de l'état-major de la brigade franco-allemande, de la compagnie
d’état-major et du bataillon de commandement et de soutien.<br>
<br>
L’Eurocorps (et donc la brigade franco-allemande) peut être utilisé
aussi bien par l’Union européenne que par l’OTAN : « Le corps est au
service de l’OTAN et de l’Union européenne. Dans cette perspective, son
organisation permet aussi bien des interventions autonomes que la
coordination de troupes multinationales. » [1] Les engagements concrets
de la brigade franco-allemande n’ont eu lieu jusqu’à présent que dans
le cadre de l’OTAN, mais l’envoi à la guerre de la brigade sous drapeau
européen n’est qu’une question de temps. Le profil de compétences de la
brigade en fait un fer de lance des troupes d’intervention
occidentales, qui se caractérisent par une haute flexibilité et une
capacité de déploiement rapide et qui sont prévues pour les
interventions de guerre les plus extrêmes. « La brigade
franco-allemande devra répondre dans le futur aux exigences suivantes :<br>
<br>
- Capacité d’être engagée en tant qu’unité d’éclaireurs de l’Eurocorps<br>
<br>
- Capacité d’autonomie logistique de 30 jours [...]<br>
<br>
- Capacité d’intervention en l’espace de 5 à 10 jours pour les forces
d’avant-garde aéroportées, et de 10 à 20 jours pour le reste des
troupes, pleinement opérationnelles<br>
<br>
- Capacité de recevoir des contributions multinationales
supplémentaires, de préférence en provenance des autres nations de
l’Eurocorps. » [2] <br>
<br>
<br>
<b>Fer de lance du militarisme de l’Union européenne </b><br>
<br>
La brigade franco-allemande a été le premier projet commun de l’Union
européenne de former une composante militaire commune de l’UE : « La
création de la brigade franco-allemande a été une première étape dans
la constitution d’une Europe unie dans le domaine militaire. [Elle
représente] le noyau des forces terrestres européennes. » Au cours du
deuxième semestre de 2008, la brigade franco-allemande a formé la plus
grande partie de l’un des groupements tactiques européens
(Battlegroups) : « La brigade peut ainsi fournir une contribution
déterminante à la capacité de réaction militaire rapide de l’Union
européenne. Sur les 2 300 soldats allemands, français, belges,
espagnols et luxembourgeois du groupement tactique, la brigade en
fournit 1 600. Ils doivent « être à tout moment en mesure d’intervenir
partout dans le monde en quelques jours. » [3] Même si la brigade
franco-allemande n’a pas encore pris part à des opérations de guerre
pour le compte de l’Union européenne, comme on l’a souligné, elle est
entièrement destinée à le faire tôt ou tard. La brigade a cependant
déjà participé à des nombreuses interventions dans le cadre de l’OTAN.<br>
<br>
<br>
<b>Interventions de l’OTAN </b><br>
<br>
Les relations entre l’Eurocorps et l’OTAN ont été définies par l’accord
SACEUR du 21 janvier 1993. Cet accord détaille les missions de
l’Eurocorps dans le cadre de l’OTAN, les compétences concernant la
planification des interventions et la subordination de l’Eurocorps à
une autorité de commandement de l’OTAN. Il assure en principe que
l’Eurocorps est à disposition pour des interventions de l’OTAN.<br>
<br>
La brigade franco-allemande a déjà pris part à de nombreuses missions
sous drapeau de l’OTAN : « La brigade a fourni des troupes à la mission
de l’IFOR en 1996 en Croatie et, à partir de 1997 et de façon durable,
à la mission de la SFOR en Bosnie, où le 292e bataillon de chasseurs
allemand a perdu deux camarades au cours d’un accident de tir lors de
l’engagement dans le 2e contingent de la SFOR, tandis qu’un autre
soldat grièvement blessé dut être rapatrié. De novembre 1997 à mars
1998, 30 soldats de la 4e compagnie du 292e bataillon de chasseurs
furent engagés pour la sécurité du général commandant en chef et
prirent part en tant que garde rapprochée à l’ensemble des rencontres
de chefs de gouvernements destinées à la mise en application des
accords de paix de Dayton. La brigade fut ensuite engagée, en 1999, à
Ohrid (Macédoine). Les soldats de la 3e compagnie du 292e bataillon de
chasseurs ont été les premiers à pénétrer au Kosovo depuis la Macédoine
et ont ainsi lancé la mission KFOR. En 2000, la brigade a prêté secours
afin de faire face aux conséquences du naufrage du pétrolier Erika sur
les côtes bretonnes. En 2000/2001, la brigade intégrait à nouveau les
missions SFOR et KFOR. [...] En 2002/2003, la brigade est l’unité
pilote du 6e contingent SFOR, et participe à la TFF/OAH (Task Force
Fox, Macédoine), à la KFOR, à l’ISAF (Aghanistan) et à l’opération
Enduring Freedom. En 2004/2005, elle commande la Brigade multinationale
de Kaboul dans le cadre de l’ISAF. » [4]<br>
<br>
La brigade franco-allemande représente en outre un élément essentiel de
la force de réaction rapide de l’OTAN (NATO Response Force, NRF). Lors
du premier exercice NRF, « Steadfast Jaguar », destiné à tester la «
reconquête » d’une île le long de la côte riche en pétrole de l’Afrique
de l’Ouest, la brigade franco-allemande a engagé 1 200 soldats, sur le
total de 6 500 soldats participant à l’exercice. En 2006/2007, la
brigade franco-allemande constitue le noyau des forces terrestres de la
force de réaction rapide de l’OTAN, et en janvier 2009, des éléments de
la brigade sont à nouveau déployés au Kosovo.<br>
<br>
<br>
<b>Une cible de choix pour les manifestations contre le sommet de l’OTAN </b><br>
<br>
La brigade franco-allemande est un élément essentiel de la composante
militaire de l’Union européenne, mais aussi de l’OTAN. Du fait de la
proximité géographique de son quartier général, à Müllheim, avec les
lieux où se dérouleront le sommet de l’OTAN en avril 2009, la brigade
est particulièrement indiquée pour assurer une visibilité également
régionale à la protestation contre le militarisme occidental.<br>
<br>
<br>
Remarque<br>
<br>
[1] Site Internet du ministère de la Défense allemand : Eurokorps, 27.07.2007, URL : <a href="http://tinyurl.com/979gm9">http://tinyurl.com/979gm9</a> <br>
[2] Site Internet de la Brigade franco-allemande, URL : <a href="http://www.df-brigade.de/site_de/indexd1.htm">http://www.df-brigade.de/site_de/indexd1.htm</a> <br>
[3] Id.<br>
[4] Deutsch-Französische Brigade, wikipedia (page allemande), URL: <a href="http://de.wikipedia.org/wiki/Deutsch-Franz%C3%B6sische_Brigade">http://de.wikipedia.org/wiki/Deutsch-Französische_Brigade</a> <br>
                                 <br><br>
                                 Tobias Pflüger                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><b><font class="ue1" size="4">La guerre menée depuis la province                                  </font><br>
<br><br><font class="txt2">l’état-major du « Corps germano-néerlandais »</font></b>
                                
                                 <br><br>                                        <br>
Münster est le siège de l’état-major du « Corps germano-néerlandais »
et, ce faisant, un rouage important de la politique belliciste de
l’OTAN.<br>
<br>
Au 71 de la Hindenburgplatz de l’ancienne capitale de Westphalie, on
trouve un grand bâtiment blanc surmonté d’un toit noir. Devant celui-ci
flottent sur plusieurs mâts les drapeaux nationaux de différents États
– les couleurs nationales de l’Allemagne et des Pays-Bas figurant au
premier plan, juste à côté des drapeaux de l’Union européenne et de
l’OTAN. Ce bâtiment insignifiant situé à proximité du château
historique est le siège de l’état-major du « 1er Corps
germano-néerlandais » [1] et dans le même temps, un important quartier
général de l’OTAN.<br>
<br>
<br>
<b>Chronologie d’un quartier général de guerre</b><br>
<br>
L’idée de créer une unité militaire binationale remonte à 1991.
L’inauguration de la nouvelle unité, formée à partir du « 1er Corps
allemand » et du « 1er Corps néerlandais » eut lieu le 30 août 1995, en
présence du chancelier fédéral de l’époque, Helmut Kohl, et du premier
ministre néerlandais Wim Kok. [2] Dès le début, la défense du
territoire de l’OTAN fut la mission principale du « 1er Corps
germano-néerlandais », qui intégra rapidement l’unité de défense
principale de l’OTAN. En 1999, l’unité fut choisie pour devenir un
quartier général de Forces à haute disponibilité dans le cadre de
l'OTAN (NATO High Readiness Force Headquarter). Ayant atteint la pleine
capacité opérationnelle complète (FOC : Full Operational Capability) en
novembre 2002, le « 1er Corps germano-néerlandais » devient une unité
du Groupe des forces interarmées multinationales (CJTF : Combined Joint
Task Force) : il est ainsi en mesure d’intervenir dans le cadre de
missions militaires de l’OTAN dans un délai de 20 à 30 jours. À partir
de février 2003, le Corps germano-néerlandais de Münster assure pendant
six mois, en tant que quartier général, la coordination de la mission
militaire ISAF en Afghanistan. Étape suivante : les militaires
allemands et néerlandais aspirent à devenir le quartier général d’un
commandement d’une composante terrestre (LCC : Land Component Command
Headquarter) au sein de la force de réaction rapide de l’OTAN (NRF :
NATO Response Force). Ce moment marque définitivement le passage au
second plan de la défense territoriale et la réorganisation du quartier
général de Münster au profit du commandement de guerres d’agression.
Pour ce faire, le corps fut subordonné pendant un an, à partir de 2004,
au Commandement de forces interarmées de l’OTAN (NATO Joint Forces
Command) basé à Naples, en Italie. En janvier 2005, l’unité militaire
prit le commandement de la composante terrestre de la force de réaction
rapide de l’OTAN (NATO Response Force Land Component Command). La
direction de cette force de l’OTAN est assurée suivant une rotation
semestrielle par six sites de l’OTAN. Le quartier général a reçu le nom
de NRF-4 – il est donc le 4e quartier général depuis la création de la
force d’intervention rapide de l’OTAN. Durant l’année 2006, le Corps
germano-néerlandais procéda à quelques exercices militaires d’ampleur
plus réduite. En 2007, l’unité se prépara, à travers six exercices
d’intervention, à reprendre le commandement de la force de réaction
rapide de l’OTAN, qu’il assura durant le premier semestre 2008 (en tant
que NRF-10). Le 2 juillet 2008, le Corps basé à Münster transmit la
quartier général de l’OTAN à la France. Selon la rotation en vigueur
jusqu’à présent, le 1er Corps germano-néerlandais devrait commander à
nouveau la force de réaction rapide de l’OTAN en 2011. En janvier 2009,
le commandant en chef du Corps a communiquer que 400 militaires, hommes
et femmes, seront déployés à partir du mois d’août pour six mois en
Afghanistan, en appui à la mission ISAF. 170 membres du Corps
renforceront le quartier général de l’ISAF à Kaboul ; le Corps
germano-néerlandais jouera ainsi à nouveau un rôle de commandement dans
la guerre en Afghanistan. Entre temps, douze nations ont rejoint le
Corps basé à Münster : Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Danemark, France,
Grèce, Italie, Norvège, Espagne, Turquie, Grande-Bretagne et États-Unis.<br>
<br>
<br>
<b>Quartier général de guerre à l’échelle mondiale </b><br>
<br>
Le « Staff Support Battalion » (soutien logistique), basé à Münster, et
le « Communications and Information Systems Battalion » (systèmes de
transmission), basé à Eibergen et Garderen (Pays-Bas), sont placés en
permanence sous les ordres du 1er Corps germano-néerlandais. Le Corps
lui-même est donc relativement réduit – les unités de l’OTAN sous son
commandement pendant la direction de la force de réaction rapide sont
d’autant plus nombreuses.<br>
<br>
Les troupes de la NRF-4 comprenaient environ 8 500 soldats, provenant
d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Espagne, de France, de Turquie, du
Danemark et de Norvège. Lors de l’exercice IRON SWORD de l’OTAN, en mai
et juin 2005, le 1er Corps germano-néerlandais a mis à l’épreuve pour
la première fois sa capacité d’engagement pour la force de réaction
rapide de l’OTAN : plus de 6 000 soldats et 2 500 véhicules de six pays
différents furent transportés sur un terrain d’exercice militaire en
Norvège. [3] Le scénario prévoyait un conflit entre trois nations
imaginaires – la présence de groupes criminels et terroristes dans ces
États fictifs étant également simulée. Les troupes de l’OTAN devaient
envahir les pays pour les contraindre à la paix. L’objectif principal
de l’exercice était le déplacement rapide des forces armées de l’OTAN.
Malgré deux petits accidents le long des 300 kilomètres de route de
campagne menant au terrain d’exercice au nord-est d’Oslo, le scénario
d’invasion s’est déroulé comme prévu.<br>
<br>
La force de réaction rapide de l’OTAN commandée à intervalles réguliers
depuis Münster doit pouvoir intervenir en cinq jours en n’importe quel
point du globe. [4] En cas d’urgence, le quartier général de Münster
peut, selon ses propres déclarations, commander jusqu’à 60 000 soldats
[5], ce qui est une capacité énorme.<br>
<br>
<br>
<b>La guerre menée depuis la province</b><br>
<br>
Peu de gens savent que l’intervention militaire de l’ISAF en
Afghanistan a été dirigée temporairement depuis Münster. L’importance
de ce quartier général pour l’OTAN est elle aussi relativement
méconnue. Dans l’opinion publique (locale), les militaires se montrent
pacifiques, par exemple, en plantant de nouveaux arbres dans le parc de
la ville, dévasté par la tempête Kyrill. [6] Ces « militaires de
province » ont toutefois montré leur vrai visage lors de l’exercice
d’invasion IRON SWORD de l’OTAN. L’orientation guerrière offensive de
l’alliance militaire est apparue sous le commandement
germano-néerlandais. En tant que l’un des quartiers généraux de la
force de réaction rapide de l’OTAN, le 1er Corps germano-néerlandais de
Münster est un élément de la stratégie d’agression à l’échelle mondiale
de l’OTAN – des opérations militaires dans le monde entier peuvent être
mises sur pied en cinq jours depuis Münster.<br>
Et ce, alors que l’exercice IRON SWORD semble déjà à lui seul incompatible avec la Loi fondamentale allemande. [7]<br>
<br>
En promouvant la force d’intervention rapide de l’OTAN, les
responsables militaires poussent en outre à déposséder définitivement
les parlements de leur pouvoir, au profit du Conseil de l’Atlantique
Nord [8] – en effet, les interventions peuvent aujourd’hui être souvent
réalisées plus vite qu’elles ne sont discutées et décidées par les
parlements.<br>
Le 1er Corps germano-néerlandais est un rouage important, mais peu
connu de l’opinion publique, de cette politique belliciste de l’OTAN.<br>
<br>
<br>
Remarques<br>
<br>
[1] <a href="http://www.1gnc.de">www.1gnc.de</a> <br>
[2] Présentation du « 1er Corps germano-néerlandais »<br>
[3] <a href="http://www.1gnc.de">www.1gnc.de</a> <br>
[4] IMI Standpunkt 2003/111 - Claudia Haydt, « NATO Response Force –
die ultimative Koalition der Willigen » [La force de réaction rapide de
l’OTAN, ultime ‘Coalition des Volontaires’] – <a href="http://www.imi-online.de">www.imi-online.de</a> <br>
[5] Brochure du « 1er Corps germano-néerlandais » sur la participation à IRON SWORD<br>
[6] <a href="http://www.1gnc.de">www.1gnc.de</a> <br>
[7] Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, article 26
[Interdiction de préparer une guerre d’agression] (1) : « Les actes
susceptibles de troubler la coexistence pacifique des peuples et
accomplis dans cette intention, notamment en vue de préparer une guerre
d’agression, son inconstitutionnels. Ils doivent être réprimés
pénalement. »<br>
[8] Des représentants de tous les États membres de l’OTAN siègent au Conseil de l’Atlantique Nord.                                  <br><br>
                                 Michael Schulze von Glaßer                        <br><br></font></font></font></font><font face="Verdana" size="2"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font color="#000000" face="Verdana,Arial,Helvetica" size="1"><font class="txt" face="Arial, Helvetica, sans-serif" size="2"><font size="4"><b><font class="ue1">Le Centre Marshall et l’École de l’OTAN : l’OTAN dans les montagnes bavaroises                                  </font></b></font>
                                 <br><br><br>
                                                                         <br>
L’École de l’OTAN à Oberammergau et le Centre Marshall à
Garmisch-Partenkirchen, dans les montagnes bavaroises, jouent pour
l’OTAN un rôle qui, s’il n’est pas visible au premier regard, est tout
de même remarquable. Les deux institutions ont été impliquées dans les
actions dont il a déjà été question dans d'autres contributions – que
ce soit la réforme du secteur de la sécurité en Bosnie ou la
délimitation de l’Europe orientale et de l’Asie centrale.<br>
<br>
Même si leurs origines et leurs responsabilités sont différentes, il
convient toutefois de les considérer ensemble, non seulement de par
leur proximité géographique (mais précisément aussi en raison de
celle-ci) : leurs sites sont voisins et sur la carte, elles semblent
joliment lovées dans les montagnes (voir par exemple la prise de vue
satellite). Elles sont à une heure et demie de train de Munich.<br>
<br>
60 ans d’OTAN – cela mérite en Bavière aussi un coup de projecteur en
arrière ! Il est étonnant de constater que nous non plus, nous n’avons
tout simplement pas perçu pendant longtemps le rôle de ces
institutions. Dans ses activités à la fin des années 70 et par la suite
(rappelons-nous : « Guerre froide, Ostpolitik, détente... »), le
mouvement pacifiste qui connaissait justement une renaissance regardait
« autour de lui » pour découvrir presque de façon étonnée la
militarisation de la région. Le document « Pulverfass Südbayern » [« Le
Sud de la Bavière, une poudrière »], publié en son temps par le DKP
(Parti communiste allemand), offre un aperçu de la situation de
l’époque. La carte de la région qu’il contient ressemble à une
fourmilière : partout, des casernes, des bases aériennes, des stations
de radars et de missiles, des usines d’armement. Une chose est claire :
le Sud de la Bavière se caractérise depuis longtemps comme centre
d’armement. Pour Garmisch et Oberammergau, des casernes de l’armée
américaine et de la Bundeswehr sont certes dessinées sur la carte, mais
il en y avait à l’époque une quantité imposante. Pour le mouvement
pacifiste, il était généralement quasi impossible de s’y intéresser en
détail.<br>
<br>
Depuis lors, la situation a changé de façon drastique. À première vue,
la situation apparaît plutôt réjouissante – il y a beaucoup moins de
sites militaires. Il y a cependant une réorganisation massive de
l’armement, avec une concentration des priorités sur quelques rares
sites, dotés d’une nouvelle palette de missions. La Bundeswehr
elle-même est depuis lors engagée dans des interventions à l’étranger,
et les structures sont changées de fond en comble. De même, les bases
américaines se sont déplacées, notamment vers l’est. À la place, les
stratégies pour l’OTAN sont aujourd’hui mises au point au beau milieu
de l’Allemagne et la Bavière tient lieu de thébaïde pour conférences et
formations. L’École et le Centre revêtent pour cette politique de
l’OTAN une signification qui est sous-estimée dans l’opinion publique.
Ils sont un élément essentiel de la structure militaire bavaroise (du
Sud) d’aujourd’hui.<br>
<br>
La BIFA (Initiative citoyenne munichoise pour la paix et le
désarmement) a arrêté son choix sur les deux institutions dans sa
recherche d’objectifs intéressants pour sa traditionnelle marche de
Pâques pour la paix.<br>
<br>
<br>
<b>Le Centre Marshall</b><br>
<br>
Il s’en est fallu de peu pour que l’armée américaine se retire de
Garmisch au début de sa restructuration. Après la chute du Mur, les
États-Unis découvraient l’opportunité de s’immiscer plus fort que
jamais en Europe de l’Est. La structure militaire de la caserne devait
être abandonnée (rappelons-nous que l’ennemi avait disparu), on en vint
donc à une nouvelle possibilité d’exploitation. L’US-EUCOM, le
commandement des forces armées américaines en Europe, dont le siège est
à Stuttgart-Vaihingen, fonda en 1991 le Centre Marshall : lors de son
inauguration en 1992, les parrains en étaient Colin Powell (signataire
de l’acte de fondation), Paul Wolfowitz et Dick Cheney. En 1994, à la
suite d’une convention gouvernementale passée avec le ministère
allemand de la Défense, il devient un partenariat germano-américain.
Concrètement, cela signifie que la direction et le contrôle sont
attribuées au commandant en chef de l’EUCOM, tandis que la surveillance
des lieux et une partie du financement échoient à l’Allemagne.<br>
<br>
Le Centre Marshall est l’un des cinq centres régionaux des États-Unis
pour la « promotion de la coopération à la sécurité dans le monde ». Sa
mission est décrite comme suit : « Création d’un contexte de sécurité
plus stable par la promotion d’institutions démocratique et de
relations, surtout dans le domaine de la défense, par des contributions
actives à une coopération pacifique dans le domaine de la sécurité et
par la promotion de partenariats de longue durée entre les pays
d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Eurasie. » [1]<br>
<br>
Dans ce cadre, un « soutien » est apporté en outre depuis plusieurs
années au Kazakhstan, à la Kirghizie, au Tadjikistan, au Turkménistan,
à l’Ouzbékistan, à l’Afghanistan et à la Mongolie. Mis à part le
langage qui dissimule sous de beaux traits les intentions réelles, la
prétention à influencer les décisions dans des pays étrangers est
affichée dès l’abord. [2] Ulrich Sander écrivait un court article à ce
propos en 2006 dans le « Zeitung gegen Krieg » et citait un tract de
l’époque de la BIFA [3] :<br>
<br>
« Les ‘Alliés’ n’ont pas seulement des bases aériennes et des champs de
manœuvres, ils ont aussi des instituts qui sont une sorte de
porte-avions idéologiques chez nous, dans notre pays. Ils ne laissent
pas ce terrain aux écoles supérieures de la Bundeswehr, à la Fondation
Bertelsmann ou à la Fondation Heinrich Böll – non, non, les États-Unis
mettent eux-mêmes la main à la pâte. »<br>
<br>
<br>
<b>Géopolitique à Garmisch-Partenkirchen</b><br>
<br>
Petit, raffiné, luxueux, le Centre Marshall est l’un des creusets des
conflits mondiaux actuels. Un lieu idéal pour entretenir des contacts
personnels avec des représentants militaires, mais aussi politiques,
venus de l’étranger. Ces contacts servent l’objectif d’étendre
l’influence américaine en Europe et en Asie centrale avec pour but, à
long terme, d’élargir l’OTAN. Les considérations stratégiques qui se
cachent derrière ces activités sont clairement exprimées, par exemple,
par l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis (et
actuel conseiller d’Obama !), Zbigniew Brzezinski :<br>
<br>
« Les pivots de la géopolitique sont les États dont l’importance ne
provient pas de leur puissance ou des objectifs politiques qu’ils se
sont fixés. Ils tiennent davantage leur importance de leur situation
sensible et de leur état potentiellement vulnérable, qui influence le
comportement des acteurs géopolitiques. [...] L’Ukraine – qui constitue
un pion nouveau et déterminant sur l’échiquier eurasien – est un de ces
pivots de la géopolitique car sa simple existence en tant qu’État
indépendant contribue à la transformation de la Russie. Sans l’Ukraine,
la Russie cesse d’être un empire eurasien. » [4]<br>
<br>
La plupart des pays qui longent les frontières de la Russie ou de la
Chine sont considérés comme des « pivots de la géopolitique ». Ce sont
précisément ces pays qui retiennent en particulier l’attention du
Centre Marshall. Un exemple particulièrement parlant en est donné par
l’Ouzbékistan : le Centre Marshall n’a pas ménagé ses efforts pour
établir des relations avec les autorités militaires de ce pays. Le
directeur du Centre à l’époque, Robert Kennedy, s’est même rendu
lui-même en visite à Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan, le 10
septembre 2002. À ce moment, et depuis 1993, 89 fonctionnaires
militaires et civils ouzbeks avaient déjà fréquenté le Centre.<br>
<br>
L’indifférence affichée par les gouvernements occidentaux pour les
violations des droits l’homme perpétrées dans le pays peut être
constatée dans ce rapport de Craig Murray (ancien ambassadeur
britannique en Ouzbékistan) : « Karimov est l’un des dictateurs les
plus brutaux au monde, un homme responsable de la mort de milliers de
personnes. Dans les prisons ouzbèkes, des détenus sont ébouillantés. »
[5]<br>
<br>
En 2002, Karimov était hôte à la Maison Blanche. De nombreuses photos
montrent George Bush lui serrer la main. Le Centre Marshall se targue
de ce genre de « success stories » : il joue en effet un rôle important
dans l’établissement de relations militaires entre les États-Unis et
les pays d’Europe centrale et d’Asie centrale. Selon l’avis du
commandant en second du commandement central des États-Unis, Michael
DeLong, le Pentagone n’aurait eu (en 2002) « aucun accès aux points
d’appui en Asie centrale (par exemple, l’Ouzbékistan) pour mener la
guerre contre le terrorisme s’il n’y avait pas eu ces relations », qui
ont été établies en partie par le Centre Marshall.<br>
<br>
Certains anciens étudiants du Centre Marshall ont occupé par la suite
des postes importants dans leur pays d’origine – comme David Tevzadze,
ministre de la Défense géorgien ; Josip Stimac, commandant de la force
aérienne croate ; Gaidis Zeibots, chef de l’état-major de la défense en
Lettonie ; Valerii Muntiian, vice-ministre de la Défense ukrainien ;
Oleg Shamshur, vice-ministre des Affaires étrangères ukrainien.<br>
<br>
Le « Partenariat pour la paix » (Partnership for Peace) constitue un
autre lien, une structure au service de la relation entre l’OTAN et les
pays non membres de l’OTAN qui sont prêts à coopérer avec elle. Il est
particulièrement frappant de voir combien même un État neutre comme la
Suisse soutient par cette l’OTAN voie de façon déterminante. Le Centre
Marshall a conclu des accords de coopération avec l’ETH de Zurich
(Institut fédéral suisse de technologie) et il utilise les ressources
Internet de ce dernier pour ses propres cours (tout comme le fait
l’École de l’OTAN, voir ci-dessous). Volontairement, l’Autriche elle
aussi remet aussi en doute de cette manière sa neutralité si importante
pour une politique de paix.<br>
<br>
En dépit du rôle politique massif que joue ces institutions, l’opinion
publique continue de ne leur accorder qu’une attention minimale. Avec
sa politique de lobbying, la Fondation Bertellsmann s’est entre-temps
fait connaître davantage ; des institutions comme le Centre Marshall ou
l’École de l’OTAN ne sont par contre que très rarement considérées
sérieusement ! [6]<br>
<br>
<br>
<b>L’École de l’OTAN à Oberammergau</b><br>
<br>
Le terrain actuellement occupé par l’École de l’OTAN fut, de 1937 à
1945, celui du 54e détachement alpin de renseignement (compagnie de
communication), membre de la 1re division alpine allemande, rendue
tristement célèbre par ses crimes de guerre. Certains bâtiments furent
également utilisés pendant la guerre pour le développement de moteurs
de fusées (donc des V1 et V2, armes absolues d’Hitler) par
Messerschmitt AG. Après la guerre, le terrain servit d’abord de caserne
pour l’armée américaine ; il est utilisé par l’OTAN depuis 1953. Depuis
lors, plus de 130 000 officiers et civils y ont suivi des séminaires.
Actuellement, à peu près 80 cours sont organisés par an, pour environ
10 000 participants.<br>
<br>
Dans la présentation que l’institution fait d’elle-même, on peut lire :<br>
<br>
« L’École de l’OTAN constitue un centre pour la formation individuelle
et l’entraînement du personnel militaire et civil de l’OTAN, du
Partenariat pour la paix, des Nations Unies, du Dialogue sur la
Méditerranée et des pays qui coopèrent avec l’OTAN. » [7]<br>
<br>
L’École de l’OTAN forme donc des militaires et toutes sortes de civils
travaillant dans leur environnement, dans le cadre de cours pour les
cadres supérieurs de l’OTAN. L’École de l’OTAN se décrit encore comme
suit :<br>
<br>
« Notre mission consiste en une formation individuelle et orientée sur
les engagements de forces armées, qui prend en compte la stratégie
présente et future de l’OTAN, c’est-à-dire les concepts, doctrines,
politiques et procédures qui doivent aider les deux commandements
stratégiques à accroître l’efficacité opérationnelle de l’Alliance
atlantique. »<br>
<br>
La mission consiste donc clairement en la « formation orientée sur
l’engagement des forces armées », c’est-à-dire en la formation
militaire pratique pour le combat. Le colonel James J. Tabak,
commandant de l’École de l’OTAN, a exprimé tout aussi clairement le
sens de cette mission : « Nous sommes la seule institution de formation
internationale qui enseigne les principes militaires pas uniquement sur
le plan théorique. »<br>
<br>
Le questionnaire d’inscription pour les participants, qui peut être
téléchargé depuis la page d’accueil du site de l’École, montre sans
équivoque combien les cours proposés seront concrets et orientés sur
les engagements militaires. Les participants doivent en effet
mentionner si et où ils seront engagés dans les 120 jours suivants dans
des zones de guerre ou de crise.<br>
<br>
L’École de l’OTAN déclare être engagée envers la sécurité mondiale dans
le cadre de l’entente entre les peuples. Le contenu de ses cours
reflète cependant une tout autre image. Il y a ainsi, en plus des cours
fondamentaux pour les membres des hauts commandements, et de ceux sur
la défense contre les armes ABC, les armes de destruction massive, la
planification et l’analyse médicales, des cursus portant sur les
interventions concrètes, comme en Afghanistan ou sur les « opérations
multinationales de maintien de la paix » en général. Des cours plus
spécifiques s’intéressent aussi au « travail de presse » et aux «
opérations d’informations », connues autrefois sous le terme de guerre
psychologique. L’offre de cours accorde une importance sans cesse
accrue à la « CIMIC », la coopération civilo-militaire.<br>
<br>
Plus de 10 000 inscrits suivent chaque année en Haute-Bavière ces
formations multiculturelles et multinationales. Des soldats pakistanais
et afghans, par exemple, ont ainsi pris part aux cours de l’École de
l’OTAN à Oberammergau. Outre les cours sur place, de nombreux cours
aussi proposés par Internet – comme dans le cadre du partenariat entre
le Centre Marshall et l’ETH de Zurich (et tant pis pour la neutralité
suisse).<br>
<br>
<br>
<b>Couveuses pour des mondes parallèles refermés sur eux</b><br>
<br>
Les deux institutions organisent donc des cours et des conférences et
véhiculent l’idéologie de l’Alliance atlantique. Mais en quoi se
distinguent-elles l’une de l’autre ? L’École de l’OTAN est « orientée
sur les engagements des forces armées » et vise donc l’instruction de
troupes d’occupation et leurs besoins. Un échange d’expériences
militaires a donc lieu, qui aide à mettre en œuvre des programmes
politiques. Le personnel enseignant provient régulièrement des
interventions militaires elles-mêmes. Le Centre Marshall est par contre
orienté sur « la politique de l’Alliance » et l’« exercice d’influence
», par exemple dans le cadre de l’élargissement de l’OTAN à l’est. Il
s’agit donc ici plutôt d’un institut qui produit des concepts à travers
ses textes et promeut la coopération dans la recherche autour des
objectifs politiques de l’OTAN.<br>
<br>
Les objectifs des deux institutions sont donc différents, et pourtant,
elles partagent de nombreux points communs. Nous avons dû assister dans
les dernières années à l’arrivée de troupes de l’OTAN de tous les pays
possibles dans des opérations d’occupation. Cela n’a naturellement plus
rien à voir avec de la défense. Alors qu’il n’est point besoin de
beaucoup d’arguments pour motiver un soldat à défendre son propre pays
contre une attaque, il faut développer d’autant plus de « force de
conviction » pour que les soldats aillent risquer leur peau à
l’étranger pour de tout autres objectifs. Outre le travail classique
permanent de relations avec le public, l’« allégeance » de l’opinion
publique, mais aussi du personnel militaire lui-même, est essentielle.<br>
<br>
Dans la communauté de ces institutions, le « vocabulaire officiel » de
l’OTAN devient une chose allant de soi, et le côté pratique de la
politique d’occupation y est scandé sans cesse. Le double rôle
consistant à jouer les combattants d’une part et à se faire passer dans
le même temps pour « ami et soutien » n’est pas facile à remplir. À
cela s’ajoutent les efforts incommensurables pour endosser en tant que
force d’occupation l’administration directe des missions civiles, bref,
ce que l’on appelle la coopération civilo-militaire. Les deux
institutions doivent être vues dans le contexte de l’« offensive
idéologique » des dernières années. L’enjeu pour elles est d’imposer
machinalement et sans le moindre espace pour la contradiction la devise
qui prétend que « Nous sommes la démocratie ». La formation des
personnes est vendue comme « exportation de la démocratie et de la
liberté », alors que la réalité est faite de protectorats et
d’occupation. Le Centre Marshall et l’École de l’OTAN sont des
instruments de cette politique de violence et s’apparente donc à un
exercice de la puissance avec des armes « visibles ». En effet, à la
différence des guerres où un ennemi est militairement vaincu, les «
nouveaux » conflits consistent à exercer le contrôle dans des pays
étrangers, ce qui est une mission fondamentalement différente. Les
bastions que l’on a décrits et qui sont situés dans les montagnes de
Bavière sont au service ce colonialisme d’aujourd’hui, un colonialisme
« intelligent ».<br>
<br>
On peut les considérer comme des « couveuses pour mondes parallèles
refermés sur eux », qui représentent un réseau mondial de fidèles de
l’OTAN et de décideurs politiques. Précisément avec un tel paysage, qui
dégage à la fois une atmosphère de vacances mais offre aussi un certain
isolement, l’OTAN a réussi un beau coup. On peut imaginer sans peine
les contacts inoubliables qui complètent le programme en dehors du «
cadre formel ».<br>
<br>
L’OTAN parvient ainsi chaque fois à faire croire ses propres mensonges
aux participants, ce qui est naturellement sans prix pour le degré
d’efficacité des opérations militaires. Parallèlement, l’économie
locale en profite volontiers : l’offre touristique et gastronomique du
lieu s’adresse clairement à la clientèle de l’OTAN, et les mandataires
municipaux s’empressent d’entourer les militaires de mille soins. En
organisant des visites guidées et une journée portes ouvertes, l’OTAN
apparaît aux yeux des habitants de l’endroit comme un partenaire amical
(comme tous les militaires tentent toujours de faire).<br>
<br>
<br>
Remarques<br>
<br>
[1] Annuaire 2006 du Centre Marshal, cité dans <a href="http://www.bifa-muenchen.de/bf2006/Marshall-Center-FI-Bad-Toelz-Wolfratshausen.pdf">www.bifa-muenchen.de/bf2006/Marshall-Center-FI-Bad-Toelz-Wolfratshausen.pdf</a> <br>
<br>
[2] C’est ce qu’affirme M. Ischinger (nouveau président de la
Conférence sur la sécurité de Munich) dans un article paru dans le
Süddeutsche Zeiting, lorsqu’il parle de gouvernement mondial ; cf. «
Das Gute an der Krise » [« Le bon côté de la crise »], Süddeutsche
Zeitung du 15.12.2008<br>
<br>
[3] <a href="http://www.bifa-muenchen.de/bf2006/OM-Draussen-2006.pdf">www.bifa-muenchen.de/bf2006/OM-Draussen-2006.pdf</a> <br>
<br>
[4] Zbigniew Brzezinski: The Grand Chessboard : American Primacy and
Its Geostrategic Imperatives [Le Grand Échiquier : la primauté et les
impératifs géostratégiques de l’Amérique], 1997<br>
<br>
[5] Craig Murray, ancien ambassadeur britannique aux États-Unis, 19.1.2006, dans « Democracy Now »<br>
<br>
[6] Cela se voit aussi sur Internet : lorsque l’on fait une recherche
sur le Centre Marshall, le site plutôt réduit de la BIFA se trouve
juste après le site du Centre Marshall dans l’affichage des résultats
du moteur de recherche. Idem pour l’École de l’OTAN : le site de la
BIFA vient juste après l'École dans le moteur de recherche – en
d'autres termes, bien peu sont ceux qui s'intéressent à ce sujet !<br>
<br>
[7]Toutes les citations qui suivent proviennent de <a href="http://www.natoschool.nato.int">www.natoschool.nato.int</a> <br>
<br>
                                 <br><br>
                                 Franz Iberl</font></font></font></font><br>