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<strong>Carlo G</strong>
<p> </p>
<p><i>"Personne ne pourra mettre en acte des initiatives spontanées,
de n'importe quel type, car les rendez-vous pour discuter et
organiser la désobéissance civile ont été publics. (...) Suivre
les indications des Tute Bianche. (...) Toute initiative doit
être coordonnée avec les Tute Bianche. Il ne devra y avoir aucun
jet de projectiles d'aucune sorte qui ne soit décidé par les
Tute Bianche. (...) Pendant le cortège aucune initiative
personnelle ou de groupe ne doit être mise en acte. Merci de
signaler tout événement aux Tute Bianche"</i></p>
<p>Désobéissance civile, instructions ; tract distribué à l'occasion
du cortège contre Tebio à Gênes, 25 mai 2000.</p>
<p> </p>
<p>Il y a deux types de personnes : il y a celui qui peut uniquement
compter sur ses propres bras pour survivre, et, au contraire,
celui qui vit grâce à la sueur des autres ; il y a celui qui a un
rôle qui l'élève et ne parle jamais en son nom, et celui qui est
un numéro dans un engrenage qui le domine et qui n'a plus de nom ;
il y a celui qui lutte quotidiennement pour vivre et celui qui,
dans ce jeu de rôles, est né directeur. Il y a de l'exploitation
et du privilège, de la main-d'œuvre et du corrompu. Vie pratique
d'un coté, spectacle de l'autre. Il ne suffit pas de déclarer la
guerre à l'ordre social pour échapper à une dynamique enracinée
dans la civilisation. Pour sortir de la pantomime il faut bien
autre chose que des mots, car c'est un cancer qui s'infiltre
jusqu'à ceux qui nous entourent..</p>
<p> Il y a dix ans, une petite élite privilégiée est venue à Gênes
dans l'intention de décider du sort des autres. Huit singes de
cour enfermés dans leur palais, des vautours "de mouvement" dans
les rues. Tous les deux faisant des proclamations et des
apparitions à la télévision, tous deux séparés de leurs sujets par
des gardes et des services d'ordre. L'un et l'autre ont essayé
d'affirmer leur hégémonie sur la volonté des individus.</p>
<p><br>
</p>
<p> Les contradictions inhérentes au système capitaliste dans lequel
nous vivons, les conditions précaires de vie dictées par la
globalisation, le profit et l'autoritarisme - déjà contestés à
Gênes en Juillet 2001 et incarnés par les huit singes de cour - de
ces dernières années n'ont rien fait d'autre qu'aggraver
l'existence d'une masse de gens plus ou moins conscients de leur
état ??d'esclavage. La transformation des universités publiques en
entreprises, les contrats précaires et les emplois temporaires,
les licenciements, les pactes sociaux et de concertation pour
redéfinir en faveur des patrons les termes du chantage
travailliste, les grandes œuvres et les privatisations: quelques
pièces d'un grand plan pour enrichir les cadres au détriment de la
population; le spectre des crises financières et territoriales
pour créer un état ??d'urgence permanent, une structure stable de
guerre interne qui va au-delà des frontières de la fiction
démocratique, et l'aliénation médiatique-structurelle des rapports
sociaux, cependant, n'ont pas réussi jusqu'à présent à apaiser
définitivement les esprits, en rencontrant au contraire des
nouvelles poches de résistance. Ces dernières années, de Rosarno à
Rome, de l'INSSE à Fincantieri, en passant par les mouvements
étudiants et des actions directes contre les géants de l'économie
mondiale, un dangereux vent de revanche, également inspiré par les
turbulences sur les rives de la Méditerranée, a réchauffé de
nouveau la péninsule.</p>
<p> </p>
<p>Dans le même temps semble s'être consommée la montée et le déclin
des grands symboles de la récupération des luttes politiques.
Après avoir bien profité de leur contrôle de sièges dans les
conseils municipaux et ensuite dans le parlement, après avoir joui
d'un statut privilégié dans le microcosme de la contestation, en
termes d'espaces et de contrôle social, les vautours semblent être
en difficulté, peut-être ne sont-ils plus en mesure de dompter une
nouvelle génération d'abstentionnistes inadaptés, une base de
main-d'œuvre qui piaffe à l'intérieur de ses cages.</p>
<p>Les choix de ces politiciens, à la radicalité bien mesurée, ne
seraient-ils pas dictés, comme toujours, par la nécessité de ne
pas tomber de cheval, plutôt que par une réelle urgence de vie ?
Tout ce que nous pouvons espérer maintenant, c'est que cette
nouvelle génération de poulains rebelles, devenus des étalons,
n'écoutent que leur cœur et leur tête, se déplaçant avec le vent,
hostiles à chaque calcul, médiation et injonction de qui se met
sur un plan supérieur.</p>
<p> </p>
<p>Les événements du Juillet génois ont montré principalement la
fausseté des singes et des vautours. D'une part la farce annoncée
d'un sommet aussi cher qu'inutile, de l'autre, la farce d'une
bataille livrée uniquement avec des boucliers en plastique et des
parcours convenus. Et au milieu? Du sang. Un fleuve de sang avec,
sur un côté, ceux qui ont réprimé et, de l'autre, ceux qui ont
envoyé les gens à l'abattoir. Mais il y a dix ans, traversant les
Alpes pour descendre à Gênes, fourmillant au milieu des maisons et
des rues étroites, une horde de barbares est également arrivée,
concrètement déterminée à mettre fin à l'empire du roi de
l'argent. Il y a dix ans, au delà de tout calcul politique, une
dérive d'exclus a traversé les portes de Gênes, prêts à tout faire
pour démonter à la racine les bases du privilège et pour
reconquérir un espace et un temps dignes de notre présence au
monde.</p>
<p> </p>
<p> Depuis 2001, les singes ont trouvé la rédemption par le
sacrifice des brebis galeuses que leur ont désignées les vautours;
ces derniers, qui se sont fait subtiliser le contrôle de la place
par le vent, ont obtenu qu'un simple rôle de victimes. Mais pour
les chiens errants, le feu et les larmes du Juillet génois, qui
peut être considéré, dans le sillage de Seattle, comme une
effective révolte occidentale de l'ère post-industrielle, ont
représenté une victoire de la vie. Une victoire qui comme la vie
peut être aussi brève qu'intense, mais qui pour cette raison aussi
est digne d'être vécue. Digne comme toute tension qui finit par
s'exprimer, digne comme les passions auxquelles on se laisse
aller, digne comme une digne mort, sur un champ de bataille.</p>
<p> </p>
<p> Le sang coagulé de Carlo sur le bitume, en face de l'église de
piazza Alimonda, les mensonges et les infamies d'une classe
intermédiaire de vautours qui, au lieu de désirer la subversion
réelle de l'existant visent plutôt des places de pouvoir, c'est la
démonstration d'une pensée qu'ils ont appris des patrons de ce
monde et qui les y fait y ressembler. Ce n'était pas le sang d'un
innocent. Juste avant, il était bouillant de haine et de revanche
contre ses bourreaux à venir, un instant plus tard, il était déjà
devenu le symbole de la victimisation des opportunistes habituels.
Il avait vingt-trois ans, il a déchiré le seuil entre la parodie
et la réalité avec un extincteur dans les mains, il était vraiment
en guerre. Carlo n'était pas là par hasard, Carlo était un de ceux
que les vautours appelaient déjà « infiltrés provocateurs », Carlo
était l'un des « habituels casseurs ».</p>
<p> </p>
<p> Après dix ans de rubriques nécrologiques, les vautours ont de
nouveau décidé de lever la tête pour mettre le point final sur la
réécriture de l'histoire. Mais dix ans de mensonges ne sont pas
assez pour oublier: si même une seule personne a toujours dans
l'esprit la rage de ceux qui se sont battus, si même de nombreux
jeunes qui n'étaient pas dans les rues de Gênes en Juillet 2001
veulent la vérité et veulent vivre pendant un moment, dans l'océan
de possibilités humaines, ce dont ils ont seulement entendu parler
et n'ont vécu que dans leur imagination, eh bien, alors, avant
tout, que soit détruite toute forme de spectacularisation et
d'(auto-)célébration, que le feu soit mis aux esprits, au nom
d'une vie digne.</p>
<p> </p>
<p> Mortes sont les victimes qui ne seront pas vengée; morts sont
les carabiniers assassins et leurs commanditaires car il
emplissent leurs vies de mort; morts sont les innocents et tous
les indifférents parce qu'ils n'ont pas pris part à la lutte
humaine pour la liberté.<br>
Carlo vit.</p>
<p> </p>
<p><i>«On le connaissait à peine, parfois on le rencontrait au bar
Asinelli. C'était un punk-à-chien, un de ceux qui ne travaillent
pas mais qui portent de nombreuses boucles d'oreilles, qui
veulent entrer sans payer, un de ceux que les gens respectables
appellent ''parasite''. Le monde le dégoûtait et n'avait rien à
voir avec celui des centres sociaux, il disait qu'on était trop
disciplinés. »</i><br>
Matteo Jade, leader des Tute Bianche génois, directe radio, 20
juillet 2001</p>
<p> </p>
<p><strong>On nait flic, on devient rebelle</strong></p>
<p><br>
« <i>C'est moi qui ai frappé Cristiano avec le casque. Je voulais
juste que le cortège ne souffre pas de ralentissements, pour
mener la protestation, la protestation des précaires, des jeunes
qui n'ont pas de contrat stable, directement en face du Sénat »</i><br>
Manuel De Santis, un étudiant de science politique à l'Université
La Sapienza de Rome et appartenant au service d'ordre du réseau
Uniriot-Esc, 20 décembre 2010.</p>
<p> </p>
<p> Le 14 décembre 2010 à Rome une brèche a été ouverte dans les
esprits rebelles d'une nouvelle génération d'inadaptés. Les
fissures de liberté refermées par la répression et la diffamation
lors du G8 à Gênes, les possibilités qui couvaient dans un nouvel
imaginaire de résistance métropolitaine, ont été réouvertes par
une nouvelle vague de rage que les sermons des politiciens
chevronnés et la dialectique asphyxiante des écrivailleurs et des
diplomates de palais a fini par submerger une fois encore. Une
nouvelle dérive collective, une explosion vitale de plus de la
part d'une jeunesse sans avenir, mûrie auprès des mouvements
lycéens et étudiants, bientôt unis au malaise chaque jour plus
répandu dans la société.</p>
<p> </p>
<p> Dans la gueule de ceux qui ont pris le temps de disserter sur
les limitations des conflits existants, comme dix ans avant sur
l'inutilité de courir après les rendez-vous fixés par le pouvoir,
dans la gueule de ceux qui encore une fois ont pensé qu'ils
pouvaient canaliser dans les rangs étroits de la bouffonnerie
médiatico-contestataire l'insoutenable et humiliant présent, ont
surgi l'imagination et l'exubérance des nouveaux venus. Les paris,
comme les enjeux, étaient certes très grands : réussir à
généraliser une opposition au départ dirigée contre le seul
gouvernement, et montrer clairement que si on ne change pas tout
rien ne change. Ça n'était pas si simple. Mais pour qui était à
Rome, apparemment, ça a été un jeu d'enfant.</p>
<p> </p>
<p> Un jeu d'enfant comme détruire des choses au hasard, une blague
pyromane, le jet d'objets et se moquer de l'autorité, retrouvant
dans ce qui est inné - dans ce qui naïvement exalte les vies
ennuyées, depuis l'enfance, dans le gris de la métropole - une
pratique émancipatrice, bien que temporaire, une pratique
d'attaque contre la police et l'urbanisme, en tant que symboles
éminents de tous les interdits et les contraintes pré-établis.
L'assaut au présent, la subversion de la normalité, comme ces
étudiants qui, à Londres, le 6 novembre de la même année s'en sont
pris au siège du Parti conservateur et à la réforme de
l'enseignement supérieur. La brèche ouverte à Rome en 2010, la
tendance dans toute l'Italie à cesser de demander la permission et
à ne pas tendre l'autre joue lorsque on a une matraque en face,
représentent la victoire de la vie, indomptable contre les
calculs, les impositions et les opportunismes de la politique de
place et de palais.</p>
<p> </p>
<p> Mais l'autre côté de la médaille , c'est, encore une fois, un
mec qui reste sur l'asphalte le visage ensanglanté. Cette fois-ci
il s'agit d'un lycéen de quinze ans, et, cette fois-là encore
stoppé net par fourgon de police dans sa spontanéité d'esprit
libre, au cours d'un mouvement d'euphorie collective. Mais cette
fois, ce ne sont pas les flics qui ont cassé la tête du
manifestant, mais le service d'ordre de l'énième tentative de
récupération, cette fois dans sa version universitaire, des
vautours du mouvement. C'étaient les grands promoteurs du «conflit
mimé », ceux qui ont manifestement perçu comme une menace, depuis
les assemblées à l'Université La Sapienza des jours précédents, ce
qui pour la plupart des personnes présentes dans la rue allait
devenir le succès de la manifestation : une masse de jeunes
enragés qui sans accords avec la police transforment en
arrière-garde les vieilles directions ; les momies étaient seules
avec leurs boucliers à établir pour tous, sans leur troupeau, les
objectifs et les modalités de la journée.</p>
<p> </p>
<p>Mais comme l'enseigne une bonne règle de l'opportunisme
politique, quand on ne peut pas vaincre l'adversaire, il faut
s'allier avec lui. Donc, pour tous les gens bien-pensants, jeunes
et vieilles cariatides de mouvement, journalistes et faiseurs
d'opinion gauchistes, les acteurs ne sont enfin plus un petit
groupe de vandales irresponsables, mais l'expression légitime de
la frustration des jeunes privés de leur avenir. Soudain, la
responsabilité des troubles revient à la militarisation de la zone
rouge et, pour une fois les défauts sont tous ceux du gouvernement
et des flics. Peut-être que cette fois même des pacifistes
délateurs, comme à Gênes en 2001, ne réclameraient pas que l'on
charge sur les violents plutôt que sur eux..</p>
<p> </p>
<p> En d'autres termes, on nait flic, rebelle on le devient; surtout
quand la subversion de la dynamique sociale devient
compréhensible, quand une fissure s'ouvre dans la vie quotidienne,
et que le passage, d'où on peut émerger sans contrôle, commence à
s'élargir. De ce passage, le 14 décembre, à Rome, filles et
garçons ont fait irruption dans les rues sans se sentir plus
seuls, en assaillant le présent pour n'avoir plus rien à mendier
demain. Le passage est ouvert; on ne réussira pas à le fermer
facilement. Dix ans après ce qui a été l'émeute et le massacre du
Juillet génois, la crainte est de nouveau en train de changer de
camp, et les flics ne dorment peut-être plus d'un sommeil
tranquilles. Les plaintes, les associations de malfaiteurs, les
perquisitions et les arrestations en sont la preuve. Remplissons
alors nos sacs à dos d'audace et de rage, choisissons bien nos
complices et allons-y ! Pas un pas en arrière, ce n'est que le
début de la reconquête de nous-mêmes.</p>
<p> </p>
<p> <strong>Nous, notre barricade, on l'a choisie depuis longtemps.<br>
Nous ne sommes pas avec les flics.</strong></p>
<p><br>
<i><br>
</i></p>
<p><i>Traduit de l'italien de Indymedia Liguria</i> (<a
href="http://liguria.indymedia.org/node/7455">http://liguria.indymedia.org/node/7455</a>)</p>
<p><i>Une manifestation internationale est organisée pour le 23
juillet 2010 à Gênes. Pour voir le programme et pour trouver
plus d'infos sur les dix ans du G8 :</i> <a
href="http://liguria.indymedia.org/node/7459">http://liguria.indymedia.org/node/7459</a></p>
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</html>