[Dissent-fr-info] Compte-rendu de bloqueur

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Lun 13 Avr 10:14:31 BST 2009


Bonjour,


Ci-dessous un compte-rendu d'une personne de l'Internationale des
résistantEs à la Guerre impliquée dans les blocages et plus particulièrement
dans le groupe "NATO-ZU/Shut down NATO". Les dimensions parfois collectives
de ce compte-rendu ne peuvent être prises qu'à cette dimension.




*Fermons l'Otan*

Blocages nonviolents réussis à Strasbourg au milieu des violences



            Le 4 avril 2009, plus de 200 militantEs de NATO-ZU/Shut down
NATO/Fermons l'Otan (un groupe international nonviolent dont
l'Internationale des RésistantEs à la Guerre est un des initiateurs) a
réussi un blocage nonviolent de la voie d'accès côté nord du *Palais de
Musique et des Congrès*, où se tenait le sommet de l'Otan. Au même moment,
d'autres groupes de la coalition Block-NATO/Bloquons l'Otan (dont fait
partie NATO-ZU) ont réussi des blocages au centre ville : sur la voie
principale reliant les deux zones oranges (Avenue de la Paix / Avenue des
Vosges - Place de la République) avec 500 personnes, tout autant que sur la
Route du Rhin. Au total plus de 1 000 personnes ont pris part à des blocages
nonviolents. Les trois blocages ont été maintenus jusque vers midi, quand il
fut décidé d'y mettre fin pour rejoindre la manifestation.

            Les deux blocages du centre ville ont d'abord subis les assauts
de la police avec des gaz lacrymogènes, mais la situation y est aussi
revenue plus calme au bout d'un moment, la police devenant aussi plus
détendue de son côté.

            Les blocages nonviolents de Block-NATO et NATO-ZU ont montré que
même dans une telle situation, explosive, il était possible de protester de
manière nonviolente et de perturber le sommet de l'Otan avec des actions de
désobéissance civile. D'après un article du *Badener Zeitung*, les blocages
ont conduit à dérouter le convoi des chefs d'États et de gouvernements, et
ont perturbé les journalistes souhaitant couvrir le sommet.

            Alors que des violences ont éclaté plus tard dans la zone
portuaire de Strasbourg, où se déroulait la manifestation internationale, la
préparation minutieuse des blocages a permis d'y assurer l'absence de
violence en provenance des militantEs.



*La Préparation au camp*

            La préparation finale des blocages a eu lieu au camp, rue de la
Ganzau, au sud de Strasbourg. Le camp servait de base à un large spectre de
militantEs, des pacifistes à celles et ceux qu'on appelle “black block”
(dénomination rassemblant une variété très hétérogènes de militantEs), et
bien des gens qui n'étaient pas clairement ralliés à aucun groupe. Dans le
camp, Block-NATO et NATO-ZU/Shut down NATO avaient leur propre “barrio” où
se déroulait chaque jour au moins trois ateliers de préparation à l'action
nonviolente, où se formait des groupes affinitaires, où des représentants de
chaque groupe affinitaire se retrouvaient en conseil, et où, de manière
générale, toute la préparation et la planification des blocages ont pu se
faire.

            Le 1er avril, des représentants de Block-NATO et NATO-ZU/Shut
down NATO ont aussi rencontré la police pour expliquer les actions
envisagées, la désobéissance civile, les consignes de nonviolence et le rôle
des “médiateurs police” comme moyen de communication entre la police et les
conseils des groupes affinitaires. Si la police fut à l'écoute, elle ne
s'est pas engagé à rester nonviolente et a insisté sur sa capacité à
utiliser tous “moyens appropriés” pour dégager les blocages, ce qui ne nous
préservait pas des gaz lacrymogènes. La police nous a aussi clairement
signifié qu'elle avait pour tâche de nous empêcher de réaliser notre action.

            Ainsi les ateliers de préparation n'ont-ils pas seulement
compris le travail en groupes affinitaires, la prise de décision au
consensus, les techniques de blocage et les divers aspects de la nonviolence
mais aussi une discussion sur la manière de gérer les gaz lacrymogènes que
beaucoup de participantEs n'avaient jamais subis et qui était clairement
source de craintes pour certainEs.

            Pendants que les participantEs se préparaient pour les blocages,
la pression est montée à plusieurs reprises  aux abords du camp. Le mardi
soir, après une manifestation contre la répression dans la ville de
Strasbourg au cours de laquelle de nombreux dommages ont été causés, la
police a reconduit des groupes au camp, elle en a profité pour tirer des
bombes lacrymogènes à l'entrée nord-est du camp vers des groupes de
personnes se trouvant dans ce champ-là. En conséquence, des personnes on
commencé à construire des barricades à chaque entrée du camp.

            À ce stade, NATO-ZU/Shut down NATO a décidé d'appeler à une
assemblé plénière du camp pour discuter de la manière de gérer la situation.
Au même moment, nous avons contacté l'ICC, le Comité de coordination
international, qui organisait le contre-sommet et la manifestation pour leur
demander d'intervenir auprès de la police, tandis que nous tentions de faire
descendre la pression à l'intérieur. Ces efforts coordonnés ont ramené le
calme au final mais un conseil des groupes affinitaires de NATO-ZU a pâti
des efforts consacrés à la désescalade de la violence, faute de force
restant pour le tenir.

            Le vendredi, veille de l'action, les discussions dans les
groupes affinitaires et au conseil des groupes affinitaires s'est porté vers
les aspects tactiques de l'action. Nous avons discuté les différents points
que nous pouvions bloquer dans notre zone, si les groupes affinitaires se
sentait à l'aise avec un, deux ou trois  blocages et, surtout, les moyens
d'atteindre le lieu des blocages. Au même moment, de nouveaux  entraînements
avaient lieu, de nouveaux groupes affinitaires se formaient rejoignant
l'action et le conseil des groupes affinitaires. Lors d'un pointage dans
l'après-midi, nous étions environ 150 organisés au sein de NATO-ZU, un
nombre qui crût au-delà de 200 après le dernier atelier de l'après-midi.

            Alors que touTEs étions occupéEs à nous préparer à la journée
suivante, la pression grimpa à nouveau, rue de la Ganzau cette fois. Il
semblait que la raison en était l'interpellation d'un groupe de clowns pour
vérification d'identité. Bien que touTEs les clowns fussent libéréEs, des
barricades furent élevées rue de la Ganzau, le feu étant mis à la première.
Cette fois, les tentatives de désescalade de NATO-ZU n'ont rien donné et, si
le calme est revenu, c'est plus grâce à la police qui n'a pas semblé trouver
d'intérêts à faire monter plus la pression.

            Au cours de l'après-midi et de la soirée, la plupart des groups
de NATO-ZU ont levé le camp pour passer la nuit éparpillés en différents
points au nord de Strasbourg.



*Les blocages*

            Tôt le matin, vers trois heures, les autres groupes de
Block-NATO ont quitté le camp pour tenter de rejoindre le point de
ralliement annoncé publiquement : l'université, au sud de la ville. Sans
avertissement, la police les a attaqués aux gaz lacrymogènes mais ils ont pu
se retirer et contourner la police refusant clairement la confrontation.
D'autres groupes ont réussi à rejoindre directement l'université et c'est en
la quittant qu'ils ont essuyé les gaz lacrymogènes lancés par la police.

            Les groupes affinitaires de NATO-ZU avaient opté pour une
tactique différente. Il n'y avait pas de point de rendez-vous publics mais
nous avions décidé que chaque groupe affinitaire se débrouillait pour
rejoindre le lieu du blocage et pour y être à sept heures précises. Le plan
a marché. Nous n'avons pas rencontré de police sur la zone et, non seulement
nous avons pu atteindre le lieu du blocage sur l'avenue Pierre Mendès France
sans encombre mais nous avons aussi pu mettre en place le blocage sans que
la police n'intervienne. À 7 h 05, NATO-ZU a pu envoyer le message
signifiant qu'était en place le blocage de la route nord conduisant au
sommet de l'Otan.

            Plus tard dans la matinée, les autres groupes de Block-NATO ont
aussi réussi à mettre en place leurs blocages nonviolents. Au total, plus de
1 000 personnes ont participé aux trois blocages de Block-NATO et NATO-ZU.

            L'atmosphère sur les blocages était détendue et joyeuse : nous
avions réussi ! Après toutes les discussions de la veille, nous doutions
fortement de pouvoir mettre en place les blocages, et encore moins de les
maintenir pendant des heures. Nous étions touTEs prêtEs à être dégagéEs en
quelques minutes par une police utilisant les gaz lacrymogènes. Mais, ce fut
finalement les bloqueurs et les bloqueuses qui ont décidé de lever le blocus
pour rejoindre la manifestation, montrant ainsi que nous gardions
l'autonomie quant à notre mode d'action, ne laissant même pas à la police
cette dernière décision.



*La manifestation*

            NATO-ZU/Shut down NATO/Fermons l’Otan a levé son blocage à midi
avec un petit rituel avant d'entamer la longue marche vers le quartier
portuaire de Strasbourg, d'où devait partir la manifestation, en contournant
les zones de sécurité. Cependant, à mesure que nous approchions, se
dégageait une fumée noire dans le ciel en provenance de ce que nous avons
deviné être le Pont de l'Europe qui relie Strasbourg, côté français, à Kehl,
côté allemand, et par lequel devait affluer une manifestation rejoignant la
principale à Strasbourg. Une fois atteint le Pont d'Anvers, en amont de la
zone portuaire, nous avons d'abord fait un arrêt à la cantine du collectif
Rampenplan, qui nous attendait avec de quoi nous sustenter. Alors que nous
mangions, la police est arrivée en force par le Pont d'Anvers, envoyant de
leurs estafettes du gaz irritant. Nous avons rapidement battus en retraite
avant d'appeler à une réunion du conseil des groupes affinitaires, afin de
nous assurer que tout le monde allait bien dans chaque groupe affinitaires.

            La présence policière nous a empêché de rejoindre la
manifestation (laquelle n'en était plus vraiment une se terminant dans le
chaos), et au bout d'un moment, les groupes affinitaires ont décidé de s'en
tenir là.

            Nous nous sommes retrouvés au camp dans la soirée. Tandis que
certainEs de NATO-ZU ont facilité une plénière du camp pour discuter de la
réaction à prévoir en cas d'attaque revancharde de la police (des rumeurs
allant dans ce sens) et pour tenter de faire redescendre la pression,
d'autres ont rejoint une réunion-bilan pour NATO-ZU. Alors que chacunE était
fatiguéE après cette dure journée, essoréE de gérer l'escalade et la
désescalade de la violence, l'impression d'ensemble était que NATO-ZU et
Block-NATO avait réussi une action bien mieux qu'aucunE de nous ne l'avait
imaginé la veille. Cependant, la satisfaction relative de notre succès se
mélangeait à de la tristesse, liée à la tournure générale des évènements

            Celles et ceux ayant encore de l'énergie ont rejoint les
concerts et festivités quand les autres, totalement épuisés, se sont
écroulés dans leurs sacs de couchage.

Heureusement, la nuit fut calme.



            Le jour suivant fut celui des aux revoirs. Un dernier contrôle
de police, et nous étions sur le chemin du retour.



Andreas Speck, Internationale des résistantEs à la guerre, le 8 avril 2009
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