[Dissent-fr-info] Sur les restrictions imposées pour la venue de l'OTAN à Strasbourg

Dissent! France Info Newsletter dissent-fr-info at lists.aktivix.org
Sam 14 Mar 01:27:14 GMT 2009


Sur les restrictions imposées pour la venue de l'OTAN à Strasbourg
http://www.paperblog.fr/1666761/sur-les-restrictions-imposees-pour-la-venue-de-l-otan-a-strasbourg/

Atteintes aux libertés ?

Patrick Wachsmann, professeur de droit public à l'Université de
Strasbourg, auteur chez Dalloz d'un manuel sur les libertés publiques,
livre son point de vue sur la légalité des restrictions imposées aux
Strasbourgeois et aux manifestants à l'occasion du sommet des 3 et 4 avril.

Sur les restrictions imposées pour la venue de l'OTAN à Strasbourg

Les mesures imposées aux Strasbourgeois résidant ou travaillant dans les
zones rouges ne vont-elles pas un peu trop loin en terme de respect des
libertés individuelles ?
- Leur légalité ne me semble pas évidente au regard des textes qui
garantissent les libertés individuelles, soit la Convention européenne
des droits de l'homme, la Constitution française et la loi. La liberté
d'aller et venir est notamment garantie par une règle de valeur
constitutionnelle, posée par une jurisprudence de 1980. Si on ajoute le
fait qu'apparemment, les personnes sans badge ne seraient pas admises à
rentrer chez elles, c'est clairement illégal. La liberté de domicile
s'impose à l'autorité administrative sous une seule réserve qui tient
aux nécessités du maintien de l'ordre public. On peut concevoir qu'à
proximité d'une zone où règne un danger pour le public, on se fasse
contrôler, mais de là à y restreindre l'accès et imposer qui peut y
entrer ou non, c'est abusif. D'autant plus que la situation est créée
par l'autorité puisque c'est elle-même qui a décidé de tenir le sommet à
Strasbourg.
Un recours en justice peut-il être envisagé ?
- N'importe quel Strasbourgeois intéressé, c'est-à-dire touché par les
mesures, est fondé à attaquer la décision devant le juge administratif.
Mais la solution pour le juge n'a rien d'évident. De même, les mesures
préventives comme par exemple l'obligation du badge, qui, j'imagine, ont
été prises par le préfet ainsi que les mesures individuelles
d'application qui seront prises lors du sommet, par exemple l'accès
restreint aux commerces et aux entreprises, sont susceptibles d'être
attaquées. Mais je doute que quelqu'un aille jusque-là. On vit du reste
déjà en France avec pas mal de mesures restrictives des libertés, telles
les différents fichiers, la vidéosurveillance, etc.
Y a-t-il des précédents en la matière ?
- Il faut remonter à l'arrêt « Dames Doll et Laurent ». C'est un grand
arrêt de la jurisprudence administrative pris par le Conseil d'Etat en
1919. Il a fixé des limites à l'action des pouvoirs publics en matière
de restriction des libertés en définissant ce qu'on appelle depuis la «
théorie des circonstances exceptionnelles ». Dans le cas du sommet de
l'OTAN à Strasbourg, on peut se demander si elle s'applique, sachant que
la situation est créée par l'autorité administrative. Tout se passe ici
comme si un monarque, n'écoutant que son bon vouloir, avait décidé
d'imposer un régime d'exception temporaire à Strasbourg.
Le préfet est-il en droit de refuser aux organisateurs du contre-sommet
de manifester au centre-ville ?
- La Constitution et l'article 11 de la Convention européenne des droits
de l'homme garantissent la liberté de manifester pacifiquement. Ce qui
est le cas puisque le préfet n'a pas interdit la manifestation.
Toutefois, si on craint des débordements, on peut encadrer cette liberté
en vertu d'un décret-loi de 1935. Or l'expérience montre qu'à l'occasion
de ce genre de sommet, des risques réels existent. Le préfet est donc
fondé à interdire le centre-ville et à demander aux organisateurs que la
manifestation passe là où elle présente le moins de risques de troubler
l'ordre public.
Comme Strasbourgeois, que vous inspire ce déploiement de contraintes ?
- Il apparaît disproportionné par rapport à un profit touristique qui
reste, selon moi, imaginaire. La liberté des gens semble être le cadet
des soucis des autorités. On assiste à une sorte d'exacerbation du
tout-sécuritaire qui me semble dangereuse pour la démocratie. Je suis
choqué que l'on ait décidé d'organiser ce sommet à Strasbourg et qu'on
découvre après coup les problèmes que cela soulève. Car la ville n'est
pas équipée pour assurer la sécurité de ce genre de rencontre. Le camp
militaire de Mutzig aurait été plus indiqué. On fait souvent le
parallèle avec la visite du pape en 1988. Bien que sa vie fût alors
menacée, je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu des mesures pareilles
imposées aux Strasbourgeois.


Xavier Thiery
-------------- section suivante --------------
Une pièce jointe HTML a été nettoyée...
URL: <https://lists.aktivix.org/pipermail/dissent-fr-info/attachments/20090314/f723fe25/attachment.htm>
-------------- section suivante --------------
-----BEGIN PGP SIGNATURE-----
Version: GnuPG v1.4.9 (GNU/Linux)
Comment: Using GnuPG with Mozilla - http://enigmail.mozdev.org

iEYEARECAAYFAkm42zAACgkQvoa8wUUHIBFHwQCeNXFUfaxShaI5NIvVbEedFq1r
S/AAoKc2hOuJhWalEGRHakMfX+fK1hN6
=mUu1
-----END PGP SIGNATURE-----



Plus d'informations sur la liste de diffusion Dissent-fr-info