[Dissent-fr-info] Appel à un contre-sommet offensif

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Tue Jun 23 04:45:06 BST 2009


Les puissants de ce monde se réuniront ostensiblement cette année à
l’occasion du G8 de l’Aquila (Italie), ville sinistrée, du 8 au 10
juillet 2009. À cette occasion se rassembleront des milliers de
militants de toute la planète. Le contre-sommet qui aura lieu est
depuis le départ en butte aux manigances du pouvoir italien, qui s’est
amusé à éparpiller le G8 en une série de sommets à travers toute
l’Italie afin de diviser et de sectoriser à chaque fois les
manifestations, et de les éloigner du lieu central du G8 à l’Aquila.
D’autre part, le déplacement dans cette ville du G8, initialement
prévu en Sardaigne, a occasionné des retards dans l’organisation des
collectifs anti-G8, et risque de poser des problèmes sur le terrain,
la population de l’Aquila étant soigneusement entretenue dans la
terreur des hordes anarcho-autonomes internationales.


L’exceptionnalité d’un tel événement réside dans l’ampleur numérique des
forces en présence plutôt que dans la nature de la réunion des chefs
d’État. La réunion des chefs d’État lors d’un G8 attire sur elle tous les
regards, et c’est d’ailleurs sa vocation, afficher spectaculairement
l’image de la concorde et de l’harmonie qui règne au sein du pouvoir. Les
G8 ne sont pas les clefs économiques de la domination, mais son expression
spectaculaire. Ce sont de puissants artifices de propagande, affirmant le
règne sans fin de la marchandise, ainsi que sa grande bienveillance.
(Ainsi Berlusconi, en grand seigneur, a déplacé le G8 à l’Aquila pour
affecter l’argent économisé par ce transfert à la réparation de la ville.
Tout refleurit sur le chemin de ces êtres incomparables.) Leur absence
serait tout à fait tolérable pour le capitalisme, mais leur destruction
par des foules en furie devient une cuisante défaite. Depuis que les G8
sont devenus des terrains d’affrontement social, leurs enjeux ont subi une
mutation. Il ne s’agit plus de faire le plus beau spectacle mais de savoir
s’il aura lieu. Les policiers sont les acteurs de ce nouveau show : les
puissants parviendront-ils à se réunir tranquillement ? Dès lors que la
police rencontre une résistance, n’est plus en mesure de faire preuve de
son infaillibilité, l’image de la puissance devient plus incertaine.

Ce genre d’événement n’appelle pas de revendications, car il serait
absurde de réclamer au pouvoir son autodissolution. Nous devons nous
placer dans une logique d’affrontement et gagner des positions par
nous-mêmes. Si le pouvoir craint tant les mouvements sans revendications
affichées, s’efforce tant de propulser à la tête des mouvements des
négociateurs professionnels, c’est qu’il sait très bien que derrière ce
genre de silence se cache sa liquidation définitive. Il n’est par contre
pas inutile de rappeler que nous haïssons l’exploitation sous toutes ses
formes, et les dispositifs qu’elle génère pour se maintenir, qui sont sa
production essentielle. La dernière camelote en date que les États
essaient de fourguer à leur électeurs, l’antiterrorisme, mérite d’être
citée car elle occupera une place d’honneur au cours de ce G8, à la fois
dans les tractations entre les chefs d’État et en tant qu’application
pratique contre les manifestants anti-G8.

Les contre-sommets sont depuis environ une décennie le lieu d’une nouvelle
pratique politique quasiment entièrement séparée des formes de
contestation locales, les luttes se hissant à un niveau abstraitement
international. Le mouvement altermondialiste dans ses variantes plus ou
moins radicales a la fâcheuse tendance à limiter son action politique à
des interventions spectaculaires à l’occasion des contre-sommets, faisant
de ces manifestations des hauts lieux de la fausse conscience. Tant que
les contre-sommets ne seront pas inscrits dans une trame révolutionnaire,
comme une bataille parmi d’autres, la version médiatique, qui confond la
destruction ponctuelle de l’image avec la destruction de la puissance,
l’emportera sur la version révolutionnaire. Et l’on s’acheminera alors un
peu plus vers des simulacres de contestation, dont les destructions
prévues et tolérées par la police ne sont pas le moindre des aspects.
(Ainsi, Berlusconi a expliqué goguenard que l’Aquila était le site parfait
pour un G8, puisque les manifestants n’auraient rien à y détruire — on
voit bien là la terreur que lui inspirent les manifestants.) Nous ne nous
battons pas contre la mondialisation néolibérale, l’affaiblissement du
pouvoir des États nationaux face aux institutions supranationales et aux
multinationales, ni contre l’hégémonie de quelques États sur tous les
autres, mais contre le pouvoir lui-même, dont ces différents points
contestés ne sont que ses mutations du moment. Nous ne voulons pas jouer
le jeu du spectacle de la fausse contestation mais faire de ce
contre-sommet un moment concret de l’offensive contre le pouvoir séparé.
Nous ne voulons pas nous droguer d’un semblant de contestation radicale,
d’un ersatz d’émeute dans un décor exotique, mais nous lancer à l’assaut
du ciel capitaliste.

Brisons l’image de leur puissance

Leur puissance ne disparaîtra certainement pas suite à la profanation de
son image, mais elle en ressortira érodée. C’est pourquoi nous ne devons
pas nous contenter de pratiquer une iconoclastie virulente, mais également
la destruction concrète du pouvoir là où il se trouve. S’il est
parfaitement normal de vouloir saboter le G8, n’oublions pas que ce qui
prime avant tout est la réunion massive de manifestants occasionnée par
cet événement et la force qu’elle nous confère, ainsi que la quantité
impressionnante de forces de police déployées à notre intention. Nos
possibilités de lutte sont alors considérables, et ne se limitent ni au
sabotage de la réunion des puissants, ni même à la résistance contre la
police.

Mettre le pouvoir en difficulté sur des points localisés est un efficace
moyen de propagande révolutionnaire. Le péril matériel à petite échelle
(une grève, une émeute), devient un péril politique à grande échelle.
Détruire une marchandise, un barrage policier, mettre en faillite une
entreprise, ne perturbent certes que d’une manière minime le pouvoir
économique, mais ils sont une grave atteinte à son image d’infaillibilité,
car ils montrent le chemin à suivre pour le détruire totalement, et
caractérisent explicitement l’ennemi à abattre dans ses différentes
dimensions : l’oppression marchande, policière, etc. Le capital tirant sa
force de notre exploitation, il faut bien montrer qu’il n’y a pas de
séparation entre ce qui nous opprime et ce dont le capital tire sa force.
Lorsque l’on se bat contre la police ou que l’on s’attaque aux
marchandises et aux banques, ce n’est pas parce que l’on est des étudiants
très en colère contre la LRU. Ce que l’on détruit se place au premier rang
de ce que l’on déteste, et sert également de rempart aux autres réalités
que nous souhaitons abattre. À l’occasion d’un événement tel que le G8, le
cœur de l’oppression est tout autant dans les forces périphériques
assurant la sécurité du cœur officiel que dans ce cœur lui même (le noyau
de l’oppression restant évidemment la propriété privée ou étatique). Seuls
les médiatiques et les médiatisés s’imaginent que le cœur du pouvoir est
une image.

Dans chaque moment de révolte, à chaque fois que nous sommes en mesure de
créer des zones d’autonomie temporaire, nous cherchons la conquête
effective du pouvoir, c’est-à-dire sa liquidation en tant que pouvoir
séparé, et la reprise en main collective de notre destin et de notre vie
par l’instauration d’une démocratie directe dans tous les domaines de
notre existence. En luttant ensemble, nous créons d’autres rapports
sociaux, d’autres manières de se rencontrer. La destruction de l’ennemi
nécessite déjà que nous édifiions à cette fin une autre économie, une
autre organisation, que nous éprouvions notre puissance en vue de la
recouvrer.

Pour qu’une telle expérience soit autre chose qu’un défouloir séparé des
rythmes habituels de la contestation, il faut qu’elle ait des
répercussions sur l’organisation des forces révolutionnaires dans les
différents pays, et notamment qu’elle modifie les rythmes ordinaires. Ce
doit être le lieu d’une mise en commun des idées et des expériences, la
première forme d’une démocratie émeutière. Pour résumer, ce doit être la
négation effective des frontières, la reconstitution physique du
prolétariat international.

C’est pourquoi dès maintenant nous appelons :

   — À participer massivement à ce contre-sommet.

   — À ce que se développe, s’étende et se structure la pratique des
précédents contre-sommets dans ce qu’elle a de plus dialectique.

   — À ce que s’organisent partout en Europe les différents groupes
radicaux désirant en découdre avec le pouvoir, sur la base d’une
confiance mutuelle.

   — Au développement matériel des stratégies de défense contre la police
: plus nous lui résisterons, moins elle réfrénera sa violence, plus
notre défense devra se renforcer. Les techniques de défense et celles
plus dialectiques ne doivent plus être séparées mais combinées à des
fins tactiques.

   — À ce que chacun prenne la mesure des risques encourus et se prépare
à les assumer.

   — À la permanence de la lutte, à la généralisation de ce type de combat.


Mais au delà de ces nécessités évidentes, une motivation prime sur toutes
les autres :

   le plaisir est révolutionnaire.


Appel distribué lors de la manifestation du 21 juin 2009 à Paris

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