[Dissent-fr-info] Mouvementisme et éternel recommencement

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Sat Oct 23 01:31:29 UTC 2010


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Date: 2010/10/22
Subject: [infozone_l] Mouvementisme et éternel recommencement
To: infozone_l at samizdat.net



Mouvementisme et éternel recommencement

A toutes celles et ceux qui veulent tout niquer

On pourrait croire que l’expérience est notre alliée la plus fiable, on
pourrait croire aussi que lorsque le sol craque sous nos pieds il est
urgent de se replier pour mieux tout défoncer, qu’une vie menée pour le
triomphe de la liberté n’est pas qu’une suite d’infirmes stérilités. On
pourrait... On veut (se faire) croire que derrière la mascarade politique
et syndicale qui s’agite comme un corps fraichement décapité se cache un
semblant de potentialité révolutionnaire, d’une autre vie, d’un autre
monde. On se ment, à soi-même et aux autres. On se croit autre chose
qu’une sorte de professionnel de l’activisme et de « la radicalisation des
mouvements », pour finir par en faire un mode de vie, un rôle social
confortable. Mais qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt de le
laisser en vie.

Depuis quelques semaines, le bout de territoire sous domination de l’Etat
français est secoué de divers désordres. Grèves, blocages, pillages,
émeutes, destructions en tout genre et sabotages agitent le train-train
quotidien. Ici et là, des flics reculent face aux manifestants, collèges,
douanes et bureaux de chefs partent en fumée alors qu’un peu partout des
émeutiers de tous âges mettent au point des manœuvres de libération à la
fois nouvelles et vieilles comme le monde avec rage et joie. Les pratiques
sont radicales, il n’y a pas lieu d’en douter.

Seulement, nous sommes des femmes et des hommes, de celles et de ceux qui
mettent en pratique leur rage à bras le corps, qui avons un rêve au cœur,
celui de reprendre nos vies en main, et de les vivre, parce qu’ici-bas
nous ne faisons que mourir un peu plus, jours après jours, et qu’au-delà,
il n’y a rien d’autre que des faux paradis. Ces pratiques sont de celles
que nous préconisons pour dévaster ce monde qui nous humilie, ce sont les
perspectives de libération totale de l’individu vis-à-vis des
institutions, de l’économie, de l’exploitation et de la domination en
général qui nous y poussent. C’est parce que nous pouvons entrevoir autre
chose que nous nous battons de telle ou de telle autre façon.

Cet autre-chose, n’est pas une affaire de quelques misérables années de
retraites, ni de projets de lois, ni même d’un recul partiel de
l’exploitation. C’est le bouleversement intégral des rapports de
domination.

Nous avons fait le constat, après des siècles de guerre sociale plus ou
moins diffuse, que les pratiques seules ne disaient rien en elles-mêmes
des perspectives qu’elles ont pour but d’atteindre. On peut menacer de
faire sauter l’usine avec des bombonnes de gaz pour quelques euros de
merde, comme on peut s’agenouiller et se livrer à toutes les
compromissions possibles pour atteindre des objectifs révolutionnaires.
Les pratiques ne sont qu’une anti-chambre des perspectives, et ce sont des
perspectives révolutionnaires et antiautoritaires que nous souhaitons voir
émerger.

Encore un mouvement, encore une période de fatigue cérébrale et physique à
courir après des fantasmes que nous avons déjà enterrés profondément dans
la fosse du désespoir, à mettre entre parenthèse toutes nos luttes et les
sacrifier à des « impératifs » injustifiables. Être partout, sacrifier de
sa personne, Quichotter dans le désert. Faire semblant de ne pas
remarquer, se faire croire qu’il y a une différence de responsabilité
entre les centrales syndicales et leurs bases, qu’il y a encore quelque
chose à faire dans, avec ou par rapport au syndicat. Au fond, la majorité
des radicaux qui ne donnent plus que dans l’activisme a déjà enterré le
mouvement dans sa tête en préparant sa chute, en tablant sur des barrages
au retour à la normalité, encore des fantasmes de désespérés.

On fait comme si il n’y avait pas déjà eu une dizaine d’autres mouvements,
comme si les critiques qui avaient suivit chacun d’eux n’étaient bonnes
que pour les mouvements précédents. Souviens-toi bien d’oublier.

Tomber dans le panneau à chaque fois dans un éternel recommencement, ne
surtout pas regarder la réalité en face, appliquer des recettes trouvées
dans de mauvais livres, sans jamais sortir des habitudes : journées
d’actions, assemblées générales (« inter-pro ») dont la seule finalité
semble être leur répétition à l’infini et leur propre reproduction,
mythologie de l’opposition entre la base-un-peu-coconne-mais-sincère et
les directions des syndicats, apologie des pratiques et mise en
arrière-plan des contenus, occupations où l’on s’enferme, symbolismes en
tout genre, recours aux médias etc. alors qu’à coté se déchaine et
s’émeute une jeunesse au bord de la crise de nerf qui se venge et retrouve
le gout. D’un coté, des émeutes, de l’autre, des automatismes militants
embourbés dans le vieux monde avec au final, et malheureusement, peu de
choses qui les relient entre-eux, comme des voisins qui ne réussissent ou
ne veulent pas communiquer. Mais la faute à qui ? Le domaine
d’intervention choisi en dit long sur le contenu, aussi vrai que le manque
ou le refus du contenu est en soi un contenu clair, caché sous un
impérieux voile de tâtonnement et d’incertitude de façade. Dans cette
situation, aller appuyer candidement des piquets de grèves syndicaux avec
des œillères nous empêchant d’apercevoir toutes les manœuvres politiques
sous nos yeux qui font barricade à toute spontanéité pendant que juste à
coté, les flammes prennent de la hauteur, c’est faire le choix confortable
des habitudes, éviter de contribuer au grand saut dans l’inconnu d’un
déchainement collectif et individuel des passions destructrices.

Disons-le franchement, passer son temps à se tromper devrait finir par
inquiéter, autrement, nous questionnons la sincérité derrière les
velléités affichées de radicalité et de rupture avec la démocratie et ses
quelques avantages et garanties.

On l’a vu, et revu, ce n’est pas la quantité qui gouverne l’efficacité et
ce n’est pas la stratégie qui gouverne notre rage. L’éléphant se laisse
caresser, pas le pou.

Des groupes affinitaires de quelques personnes qui se connaissent et ont
su développer une affinité et une connaissance mutuelle aiguisée à travers
des pratiques et des perspectives communes ont souvent été bien plus
efficaces que des masses informes de gibier à flics. Nous parlons là de
porter des coups, de jour comme de nuit, efficaces, reproductibles et
précis, pas symboliques. Nous parlons de dégâts réels, nous parlons de
contribuer à la guerre sociale dans laquelle nous n’admettons aucune
trêve, récupération ou amnistie. On l’a vu aussi, ces groupes ne peuvent
pas non plus tout faire basculer tous seuls, parce que les mécanismes de
la domination ne se brisent pas à coup de marteaux dans des vitres ou de
molotovs dans des flics, mais aussi dans l’expérimentation d’une autre vie
dans la lutte, et la subversion quotidienne des rapports
inter-individuels. L’équilibre doit être respecté, mouvement ou pas.

Alors cessons de faire de la politique, laissons libre cours à notre
créativité et engendrons des ruines...

Je casse, tu casses, il casse, nous cassons, Les mauvais jours finiront.









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